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sous les apparences du progrès, toujours l’aspic dans le vase de fleurs ! L’organisation proposée couperait court à tant d’iniquités. Cette portion, de bénéfices, spécialement et invariablement consacrée à l’agrandissement de l’atelier social par le recrutement des travailleurs, voilà le crédit. Maintenant qu’avez-vous besoin des banques ? Supprimez-les.

L’excès de la population serait-il à craindre, lorsqu’assuré d’un revenu, tout travailleur aurait acquis nécessairement des idées d’ordre et des habitudes de prévoyance ? Pourquoi la misère aujourd’hui est-elle plus prolifique que l’opulence ? Nous l’avons dit.

Dans un système où chaque sphère de travail rassemblerait un certain nombre d’hommes animés du même esprit, agissant d’après la même impulsion, ayant de communes espérances et un intérêt commun, quelle place resterait, je le demande, pour ces falsifications de produits, ces lâches détours, ces mensonges quotidiens, ces fraudes obscures qu’impose aujourd’hui à chaque producteur, à chaque commerçant, la nécessité d’enlever, coûte que coûte, au voisin sa clientelle et sa fortune ? La réforme industrielle ici serait donc en réalité une profonde révolution morale, et ferait plus de conversions en un. jour que n’en ont fait dans un siècle toutes les homélies des prédicateurs et toutes les recommandations des moralistes.

Ce que nous venons de dire sur la réforme industrielle suffit pour faire pressentir d’après quels principes et sur quelles bases nous voudrions voir s’opérer la réforme agricole. L’abus des successions collatérales est universellement reconnu. Ces successions seraient abolies, et les valeurs dont elles se trouveraient composées seraient déclarées propriété communale. Chaque commune arriverait de la sorte à se former un domaine qu’on rendrait inaliénable, et qui, ne pouvant que s’étendre, amènerait, sans déchirements ni usurpations, une révolution agricole immense ; l’exploitation du domaine communal devant d’ailleurs avoir lieu sur une grande échelle, et suivant des lois conformes à celles qui régiraient l’industrie. Nous reviendrons sur ce sujet, qui exige quelques développements.

On a vu pourquoi, dans le système actuel, l’éducation des enfants du peuple était impossible. Elle serait tellement possible dans notre système, qu’il faudrait la rendre obligatoire en même temps que gratuite. la vie de chaque travailleur étant assurée et son salaire suffisant, de quel droit refuserait-il ses enfans à l’école ? Beaucoup d’esprits sérieux pensent qu’il serait dangereux aujourd’hui de répandre l’instruction dans les rangs du peuple, et ils ont raison. Mais comment ne s’aperçoivent-ils pas que ce danger de l’éducation est une preuve accablante de l’absurdité de notre ordre social ? Dans cet ordre social, tout est faux: le travail n’y est pas en honneur ; les professions les plus utiles y sont dédaignées ; un laboureur y est tout au plus un objet de