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de nos armes et de nos idées. Reprenons le glaive de la propagande. Lord Palmerston n’est qu’un plagiaire de Pitt, et Pitt fit une dure expérience de ce qu’il y a d’énergie au sein de la France agitée. Pour combattre tant d’ennemis, il nous faut du fer, mais aussi de l’enthousiasme. Quand nos pères mettaient la victoire à l’ordre du jour, ils délibéraient dans l’orage. La puissance miraculeuse de leurs efforts sortit de la grandeur même de leurs périls. Si la guerre éclate, rappelons-nous ces fortes paroles de Danton : « Un peuple en révolution est plus près de conquérir les autres peuples que d’être conquis par eux. »

Dans les sociétés modernes, l’ordre public repose principalement sur deux hommes, dont l’un a pour mission de parader et l’autre de couper des têtes. La hiérarchie des conservateurs commence au roi ; elle finit au bourreau.

Quand les ouvriers de Lyon se sont levés, disant : « Qu’on nous donne de quoi vivre ou qu’on nous tue, » on s’est trouvé fort embarrassé par cette demande ; et comme les faire vivre paraissait trop difficile, on les a égorgés.

L’ordre s’est trouvé rétabli de la sorte, en attendant !

Or, il s’agit de savoir si on est d’avis de tenter souvent d’aussi sanglantes expériences. Que si l’on juge de tels essais périlleux, qu’on se hâte ! car tout retard cache une tempête.

Un dissentiment grave s’est élevé ces jours derniers entre les ouvriers tailleurs et leurs patrons. Dieu soit loué ! la presse cette fois s’est quelque peu émue ; elle a parlé de cette querelle presqu’aussi sérieusement que s’il se fût agi du voyage d’un principicule ou d’une course de chevaux. Allons, courage ! nous entrons dans une voie de progrès. Mais sachez bien, Messieurs, où ce premier pas vous mène. Vous parlez du problème à résoudre ? le résoudre devient, à partir d’aujourd’hui, une impérieuse nécessité. Qu’attendrions-nous, d’ailleurs ? L’épopée de l’industrie moderne a-t-elle encore quelque lugubre épisode à nous fournir ? Les troubles de Nantes, les émeutes de Nîmes, les massacres de Lyon, les faillites multipliées de Milan, l’encombrement de tous les marchés, les troubles de New-York, le soulèvement des chartistes en Angleterre, ne sont-ce pas là autant d’avertissements solennels et formidables ? Est-ce que ce n’est pas encore assez de tant de fortunes croulantes, de tant de fiel mêlé aux jouissances du riche, de tant de colère qui gonfle la poitrine du pauvre sous ses haillons ?

Mais qui donc est réellement intéressé au maintien de l’ordre social qu’on nous a fait ? Personne, non, personne ; pas plus le riche que le pauvre, pas plus le maître que l’esclave, pas plus le tyran que la victime. Pour moi, je me persuade volontiers que les douleurs que crée une civilisation imparfaite se répandent, en des formes diverses,