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Page:Revue générale de l'architecture et des travaux publics, V1, 1840.djvu/31

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quelques années, ne valaient que de 3 à 5 francs, s’est élevé à 16 francs.

Le goudron provenant des fabriques de gaz est loin d’avoir, dans cet état, les qualités des goudrons minéraux naturels ; mais la composition de ce goudron différant fort peu de celle des goudrons naturels, on peut parvenir, par l’art, à donner aux compositions bitumineuses dans lesquelles on les fait entrer, une qualité à très-peu près égale à celle des bitumes composés avec l’asphalte et le malt.

La production du goudron du gaz étant limitée, on ne pourrait employer de grandes quantités de bitumes artificiels composés avec ce goudron, sans en faire bientôt augmenter le prix ; d’un autre côté, les substances résineuses végétales sont d’un prix encore plus élevé, en sorte que l’on ne pourrait faire que des applications peu étendues des bitumes, si on ne parvenait pas à obtenir des quantités plus considérables de goudron et à en abaisser le prix.

Il est difficile d’espérer des réductions de prix importantes dans les goudrons végétaux, dont l’abondance dépend de l’étendue des forêts de pins et de sapins, qui diminuent au lieu d’augmenter.

Il est plus facile d’accroître le produit du goudron de la houille, dont l’exploitation s’accroît rapidement, et il importe d’autant plus d’obtenir cet accroissement, que l’on commence à apprécier les avantages des bitumages bien faits.

Jusqu’à présent on n’avait obtenu du goudron de houille que par la distillation de ce charbon dans des cornues horizontales en fonte, chauffées fortement. On obtient ainsi beaucoup de gaz, 3 ou 4 pour cent de goudron minerai et des eaux ammoniacales. Il reste dans les cornues, après la distillation, un coke léger qui peut se brûler dans les foyers ordinaires, mais qui est tout à fait impropre aux opérations métallurgiques, et, pour cette raison, d’un prix très-inférieur au coke que l’on emploie dans les fonderies.

D’après les nouveaux procédés employés depuis quelques années dans ce genre d’usines, l’emploi du coke métallurgique s’accroît chaque jour, et il y a des usines qui en emploient plus de cent tonnes par jour. Or, jusqu’à présent, dans tous les fourneaux à coke de système français ou de système anglais, on a constamment laissé perdre tous les produits de la distillation du charbon employé pour produire ce coke.

Une société formée dans le but de faire des applications en grand, et particulièrement aux chaussées des routes et aux toitures, des bitumes artificiels d’une fabrication particulière, qu’elle nomme bitumes élastiques, ayant reconnu l’importance, et, pour mieux dire, la nécessité d’obtenir des masses considérables de goudron de houille à bas prix, s’est occupée des moyens d’y parvenir. Elle a pensé que le meilleur moyen serait d’obtenir de bon coke métallurgique, en condensant et en recueillant le goudron qui se dégage dans cette opération, comme on le fait dans les usines à gaz, en faisant du coke inférieur.

Aidée du conseil d’un habile chimiste industriel (M. Payen), cette société a fait récemment exécuter exprès deux fourneaux de systèmes entièrement nouveaux, destinés à remplir le but que l’on vient d’indiquer.

Les résultats de cette opération ne sont pas encore arrivés au degré de perfectionnement que l’on doit espérer ; mais ceux que l’on a déjà réalisés suffisent pour constater que l’on peut obtenir à la fois du coke métallurgique de très-bonne qualité, et du goudron de houille non-seulement aussi bon, mais même meilleur et en plus grande proportion que celui que l’on obtient dans les fabriques de gaz.

L’emploi de ces procédés procurera des bénéfices notables, puisqu’ils permettent de recueillir en abondance de bon goudron et du sulfate d’ammoniaque que l’on perdait jusqu’ici partout où l’on fabriquait le coke métallurgique. On doit donc espérer que ces fourneaux perfectionnés seront promptement adoptés ; et il est facile de concevoir quelles masses de goudron on recueillera partout où l’on fabriquera du coke en grand, ainsi que la facilité qui en résultera pour étendre les applications du bitumage.

Des deux fourneaux d’épreuve construits par la société des bitumes élastiques à sa fabrique de Grenelle, l’un renferme des cornues en fonte : il est destiné à opérer la distillation avec pression et à donner les produits les plus abondants en goudron, et du gaz qui sera employé à chauffer le foyer ; mais sa construction est moins simple et beaucoup plus dispendieuse que celle de l’autre fourneau. Le second fourneau, construit entièrement en briques, plus simple et beaucoup plus économique, est destiné à servir d’exemple et de modèle pour les fourneaux à établir plus en grand sur les mines de charbon et près des grandes forges. La distillation s’y fait sans pression, et on n’y recueille pas le gaz qui ne serait d’aucune utilité sur les mines.

De la Fabrication des Bitumes. — Les bitumes dits naturels comme ceux qu’emploie la compagnie de Seyssel, se composent de roche d’asphalte réduite en poudre par une demi-calcination, ou de roches bitumineuses pulvérisées et cuites avec du goudron minéral fluide, tel que celui de Dax.

Les bitumes artificiels, beaucoup plus variés, ont pour bases des substances calcaires, comme la craie ou d’autres roches calcaires tendres réduites en poudre, et du sable, cuites avec du goudron végétal ou du goudron extrait de la houille ; on y mêle quelquefois des résines quand on veut former des bitumes durs. Quelques personnes forment des bitumes avec des résines seulement et des bases terreuses, sans mélange de goudrons ; mais ces bitumes sont secs et cassants, et ne peuvent s’employer qu’en décoration.

Quelques fabricants ont varié la composition des bitumes en y faisant entrer diverses substances, telles que des scories, des laitiers de forge et diverses pierres pulvérisées ou concassées. On a aussi fait des bitumes colorés par le mélange d’oxydes métalliques. Mais ces divers bitumes compliqués étant plus chers que les bitumes simples, leur emploi est restreint à des usages de luxe.

Emplois des Bitumes. — Les applications des bitumes, qui sont très-variées, se multiplient chaque jour. Jadis, on ne les employait guère que pour former des terrasses, ou pour couvrir le sol des pièces humides au rez-de-chaussée.

Ces premières applications n’ont pas eu de succès, parce que l’on n’avait pas encore assez d’expérience. Ainsi les bitumages appliqués sur des terrasses en charpente faisaient pourrir promptement les bois, parce que l’humidité restait concentrée entre les bois et le bitume. On a remédié à cet inconvénient en établissant des courants d’air au moyen de ventouses. En outre, les revêtements en bitume se fendaient souvent quand le bitume était trop dur et trop cassant. Maintenant, on fait des bitumes plus flexibles, et on les garantit, en les blanchissant, de l’action