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REVUE PÉDAGOGIQUE

promis à lui-même d’en récompenser l’auteur en lui décernant la rosette d’officier de la Légion d’honneur. Et M. Léon Bérard était décidé à tenir la promesse intime de son prédécesseur : il m’a autorisé à déclarer que la prochaine promotion devait comprendre le nom de Maurice Charlot. Pourquoi faut-il que la mort soit venue avant cette récompense si méritée !

La mort, hélas ! nous la voyions venir depuis plusieurs mois. Le coup qui avait emporté son glorieux fils l’avait frappé au cœur. Il eut beau redoubler d’énergie ; sa résistance au mal avait faibli ; chaque semaine, nous voyions son visage se creuser, nous entendions sa voix s’éteindre. Mais qui eût osé lui conseiller le repos ? Il m’avait souvent exposé sa ferme volonté de travailler jusqu’à la mort. Il considérait le repos comme une déchéance. Cesser de travailler, c’eût été pour lui perdre sa raison de vivre. La dernière fois qu’il me fut permis de le voir, il me remit un projet des plus intéressants qu’il avait conçu pendant le loisir auquel le condamnait la maladie. Et ces jours-ci, de son lit de mort, il envoyait encore à ses collaborateurs, avec un mot affectueux, une véritable consultation sur une affaire délicate. Si le travail est la justification de la vie, Maurice Charlot ne devrait pas avoir cessé de vivre, car il n’a pas cessé de travailler.

En un sens, il n’a pas cessé de vivre. Jamais chef n’a été plus présent au milieu de ses collaborateurs que ce chef retenu à la chambre depuis six mois. Je puis leur rendre ce témoignage : ils continuent, depuis cette date, à travailler sous son inspiration ; pour toute affaire, ils se demandent quelle solution serait la sienne ; ils recherchent celle qu’il donnait dans des cas analogues ; ils prennent la défense de ses idées s’ils les croient en butte à des critiques extérieures. Il a créé des méthodes de travail qui lui survivront. Longtemps encore, au Ministère de l’Instruction publique, sera marquée son empreinte sur les affaires qu’il a traitées avec tant de maîtrise. En nous inclinant respectueusement devant la douleur des siens, nous pouvons leur donner l’assurance que Maurice Charlot n’est pas mort tout entier ; il demeure parmi nous comme un modèle de conscience professionnelle et de dévouement à l’État.