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LES ÉCOLES EN FRANCE ET À L’ÉTRANGER.

doit viser plus haut et inculquer à ses élèves des principes dont ils garderont le souvenir et qui seront le guide de toute leur vie. »

Mais les paroles, les leçons, seraient insuffisantes pour atteindre ce double résultat. Il faut que les impressions extérieures viennent en aide au travail intellectuel ; or aucune impression n’est aussi puissante, aussi durable que celle produite par le milieu dans lequel chacun de nous est placé. Pour l’enfant, ce milieu est l’école ; c’est là qu’il passe ses jeunes années, époque à laquelle les impressions sont fortes et vives. Aussi faut-il, d’une façon nette, assurée, distinguer la maison d’école de l’habitation de l’enfant ; la séparer des constructions qu’il est habitué à voir, dans lesquelles vivent lui et les siens. L’école doit être pour l’enfant un lieu à part, un monument dont le caractère tranché le frappe et l’étonne. Aucune intelligence n’échappe à l’influence du milieu où elle se trouve ; l’intelligence de l’enfant, plus souple et plus malléable, y est plus sensible encore que celle de l’homme fait, et si les leçons du maître sont la base de l’instruction, les impressions sont la base de l’éducation. L’enfant aura, pour l’école, une considération, un respect qui donnera plus de poids aux leçons qu’il recevra.

De tout ce qui précède, la conclusion est facile. On a vu ce qui manque à nos écoles, et ce que nous devons nous approprier du bien des autres : là est le but, là est le progrès. On nous fera bien vite une objection, celle de la dépense devant résulter de la construction de nouvelles écoles, de l’amélioration des écoles actuelles.

Nous savons ce que vaut cette objection en face des ressources dont dispose la France. Nous répondrons, avec l’illustre auteur de l’École, M. Jules Simon : « Si un père de famille se faisait bâtir des palais et des colonnades et venait nous dire ensuite : « Je ne puis donner des maîtres à mon fils, parce que » l’argent me manque », comment jugerions-nous cette conduite et cette morale ? »

Quand un pays a élevé notre Opéra, il n’a pas le droit de dire qu’il ne lui reste plus d’argent pour ses écoles.

Félix Narjoux,
Architecte de la ville de Paris.