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LES DOCTRINES PÉDAGOGIQUES DES GRECS.

Quand on réfléchit sur l’ensemble d’une telle éducation, l’on ne peut envisager qu’avec effroi une aussi dure contrainte, un semblable parti pris de laisser se consumer dans l’inaction les facultés les plus nobles et Les plus brillantes de l’homme, l’ennui morne qui devait peser sur une existence en somme aussi vide. De quoi se composera un peuple ainsi élevé, sinon de chasseurs et de soldats ? ce qui nous fait remonter à l’époque des sociétés les plus grossières. Tel fut cependant l’idéal de Lycurgue. Si la réalisation rigoureuse d’une conception attribuée à ce législateur légendaire put faire pendant quelque temps des Spartiates les dominateurs brutaux de la Grèce, l’éternel honneur d’Athènes est d’avoir protesté par ses institutions, ses mœurs, sa littérature et ses arts contre cette barbarie. Cependant le partisan le plus convaincu des lois de Lycurgue est cet écrivain si élégant et si pur qu’on a surnommé l’’Abeille attique. Celui qui vécut avec Socrate, qui partagea longtemps avec les autres disciples du maître une vie libre, spontanée, charmante, qu’occupaient des conversations pleines de grâce et de vivacité, et à laquelle on ne peut reprocher qu’un peu de laisser-aller et de flânerie, celui-là nous a retracé, non-seulement sans répugnance, mais même avec enthousiasme, l’éducation des jeunes Lacédémoniens.

Les détails qu’il nous donne dans la République de Sparte sur les précautions prises par Lycurgue avant la naissance des enfants choquent notre délicatesse ; on n’oserait les reproduire[1]. Au sortir des langes, les enfants sont enlevés à leur famille et confiés au pédonome, qui apparaît, signe caractéristique, avec des acolytes armés

  1. Voir République de Sparte, ch. 1.