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REVUE PÉDAGOGIQUE.

On le voit, dans le septième livre des Lois, l’éducation morale commence insensiblement avec celle du corps ; c’est avec raison, puisque les passions se montrent presque en même temps que les appétits et les besoins matériels. L’âme et le corps sont tellement liés ensemble qu’on ne connaît pas le point précis où l’action de l’un finit, où celle de l’autre apparaît. C’est pourquoi l’on emploie dans toutes les langues, pour désigner certaines passions, des mots qui présentent une image physique, et qui ne sont pas cependant de pures métaphores. Tel est dans la nôtre celui d’humeur : la disposition morale qu’il indique dépend beaucoup de celle des organes. Aussi ne s’étonnera-t-on pas des inégalités que montre l’humeur des enfants : elle s’affecte aussi souvent que leur corps ; elle est tour à tour aimable, chagrine, gaie, triste, tranquille, irritée, expansive, taciturne.

Mais ces dispositions ne se font pas toujours équilibre, en se succédant avec des alternatives régulières : il y en à qui à la longue l’emportent sur les autres. Ainsi se forme peu à peu le caractère de l’enfant, qui dépend en grande partie de la manière dont on l’élève. « Posons comme un principe certain, dit Platon, qu’une éducation efféminée rend à coup sûr les enfants chagrins, colères, et toujours prêts à s’emporter pour les moindres sujets ; qu’au contraire une éducation contrainte, qui les tient dans un dur esclavage, n’est bonne qu’à leur inspirer des sentiments de bassesse, de servilité, de misanthropie, et à en faire des hommes d’un commerce très-difficile[1]. » En d’autres termes, l’une leur donne les défauts du despote, l’autre les défauts de l’esclave.

  1. Lois, p. 213.