Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1879.djvu/229

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
228
REVUE PÉDAGOGIQUE.

pourrait lui faire plaisir. — Je ne suis pas de ton sentiment, mon cher Clinias : au contraire, je suis persuadé que cette attention à flatter les goûts des enfants est la chose du monde la plus propre à les corrompre, et d’autant plus efficacement qu’on s’y prendra de meilleure heure… Mon opinion est que, pour bien vivre, il ne faut point courir après le plaisir, ni mettre tous ses soins à éviter la douleur ; mais embrasser un certain milieu qu’on peut appeler du nom d’état paisible. Nous nous accordons tous avec raison, sur la foi des oracles, pour faire de cet état le partage de la divinité. Celui-là doit y aspirer, qui veut acquérir quelque trait de ressemblance avec les dieux. Par conséquent il ne faut pas nous livrer à une recherche trop empressée du plaisir, d’autant plus que nous ne serons jamais tout à fait exempts de douleur, ni souffrir que qui ce soit, homme ou femme, jeune ou vieux, se trouve dans cette disposition, et moins encore que tout autre, l’enfant qui vient de naître, parce qu’à cet âge le caractère se {orme principalement sous l’influence de l’habitude. Et si je ne craignais qu’on ne prit pour un badinage de ma part ce que je vais dire, j’ajouterais que, durant les mois de la grossesse des femmes, on doit veiller sur elles avec un soin particulier, pour empêcher qu’elles ne s’abandonnent à des joies où à des chagrins excessifs et insensés, et faire en sorte que pendant tout ce temps elles se conservent dans un état de tranquillité, de bienveillance et de douceur[1]. » On n’a fait que répéter depuis, ces conseils d’une raison si droite, sans les exprimer en style plus ferme.

Gardons-nous cependant de l’illusion, et ne croyons

  1. Lois, p. 213 et 214.