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SUR L’ART DE RECUEILLIR
LES CONTES POPULAIRES


On a longtemps cru en France que le peuple des campagnes ne conservait point les traditions léguées par les ancêtres, et qu’il était trop tard pour recueillir dans notre pays les contes, les légendes, les chansons, les coutumes curieuses, tout cet ensemble qui constitue la littérature et un peu la science de ceux qui ne savent pas lire. On pensait qu’il était trop tard pour retrouver chez nous l’équivalent du trésor légendaire que d’illustres savants n’ont pas dédaigné de rechercher avec passion dans les pays du Nord ; heureusement plusieurs chercheurs n’ont pas accepté comme démontré cet espèce d’axiome qui consistait à croire que noire race était dépourvue de contes poétiques, de chants héroïques ou touchants, ou que, s’ils avaient existé, ils avaient dû disparaître dans la première moitié de ce siècle, lorsque les communications sont devenues fréquentes et faciles, et que l’instruction s’est répandue un peu partout. Ils se sont mis à l’œuvre, non toujours sans éprouver des difficultés, et les publications de ces dernières années sont là pour affirmer hautement que la France est, à ce point de vue spécial, aussi riche que ses voisins.

Cependant la moisson est loin d’avoir été complète ; si certaines provinces ont été passablement explorées, d’autres attendent encore le patient collecteur qui, sans se laisser rebuter par les résultats médiocres qui accompagnent souvent le début de l’exploration, ne se lasse pas d’interroger et finisse par découvrir, dans des pays qui paraissent médiocrement riches, des choses du plus grand intérêt.

Il n’est pas en effet aussi facile qu’on se l’imagine de recueillir la littérature orale. Même dans les pays où elle est encore florissante, il faut, pour la trouver, réunir un certain nombre de conditions. Je vais essayer, en m’aidant d’une expérience personnelle déjà longue, d’esquisser les divers moyens à employer pour arriver à une récolte fructueuse.

D’une manière générale, on peut dire que les paysans français