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DISCOURS DE M. GRÉARD À L’ACADÉMIE FRANÇAISE

disait à personne de croire qu’il était le préféré, l’unique. Pour tous elle est le frein et l’aiguillon, l’aiguillon surtout. Ce qui achève la vertu à ses yeux, c’est l’action. Son salon, dit M. de Falloux, était un foyer chrétien, et de ce foyer sortirent la plupart des œuvres de propagande religieuse, qui, sous la direction du P. Lacordaire et du P. de Ravignan, de Frédéric Ozanam et d’Armand de Melun, se sont multipliées pendant les dernières années du gouvernement de Juillet, les unes tournées vers les plus hautes régions de la société parisienne, les autres appropriées aux classes populaires. M. de Falloux s’engagea dans la milice des jeunes missionnaires qui se partageaient les faubourgs : chaque semaine, il allait, du banc d’œuvre des paroisses, évangéliser les ouvriers en leur racontant la vie des saints ; et c’est à Mme Swetchine, à l’ardeur de la vie morale qui rayonnait en elle, qu’il rapportait le succès comme l’inspiration de sa parole. Sans M. de Falloux, on n’aurait pas connu peut-être, certainement on connaîtrait moins bien Mme Swetchine ; sans Mme Swetchine, il semble que M. de Falloux n’aurait pas pris complètement possession de lui-même. C’est elle, il le déclare, qui le fit en trer dans la vie sérieusement chrétienne.

Sa conception politique dès cette époque, — il avait vingt-sept ans, commence à se traduire avec autorité. Autour de lui, il voyait ses maîtres et ses émules s’enfermer, chacun de son côté, dans les voies qu’ils s’étaient tracées. Berryer, « qui eût été le succès et la grandeur de la royauté, si, dans ses impénétrables décrets, Dieu n’eût condamné la royauté elle —même à un funeste aveuglement », Berryer semblait n’avoir à cour que le rétablissement de la monarchie légitime : il y subordonnait tout le reste, comptant sans doute que, la légitimité rétablie, tout le reste sui vrait. Montalembert, exclusivement préoccupé de l’intérêt religieux, ne trouvait que péril à l’identifier avec l’intérêt politique. Entre « ces deux lignes isolées », M. de Falloux se proposait de travailler à « mettre le trait d’union » ; et, pour mieux fixer ses idées, il résolut d’entreprendre deux ouvrages qui fussent comme une manifestation de ses principes de gouvernement. Telle est l’origine de Louis XVI et de l’Histoire de saint Pie V.

Louis XVI était resté, dans ses souvenirs d’enfance, « le type le plus injustement méconnu du gouvernement qui avait porté la