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SOUVENIRS D’INSPECTION

les incidents de la vie à l’école et au dehors, un voyage, une visite, les fêtes locales, les foires, la misère qui règne et dont on souffre, font tous les frais de cette correspondance enfantine, qui est si bien accueillie à son arrivée, et dont on ne voudrait plus être privé. « J’ai pleuré, dit une petite fille de Roquesteron, lorsque j’ai appris que votre lettre n’était pas dans le paquet. » Telle école, qui au début n’envoyait que deux ou trois lettres, en fournit dix, douze et même seize aujourd’hui.

Quelle que soit la région d’ailleurs, la fréquentation de l’école est proportionnelle au zèle du maître et à l’aisance des habitants. L’instruction des enfants préoccupe à bon droit les familles, qu’on ne saurait taxer d’indifférence, et qu’on trouve disposées aux plus lourds sacrifices dès qu’elles sont assurées des résultats, jusqu’à entretenir des maîtres particuliers, lorsque l’école se trouve hors de leur portée.

Organisation pédagogique. — Les procédés d’enseignement s’améliorent lentement dans nos écoles. Les postes de début sont nombreux dans l’arrondissement, et les jeunes instituteurs, même ceux qui sortent de l’école normale, nous arrivent presque toujours mal préparés et peu au courant des bonnes méthodes. Ils se dirigent d’après leurs lointains souvenirs d’école, et les pratiques les moins rationnelles se perpétueraient ainsi de génération en génération, si les discussions et les exercices des conférences ne venaient modifier les opinions les plus fortement accréditées.

Un trop grand nombre de maîtres restent encore attachés à d’anciens errements auxquels il faudrait renoncer : à la copie inintelligente, aux longues récitations de textes appris par cœur (grammaire, histoire, géographie, etc.). D’autres ont trop de confiance dans un enseignement exclusivement oral devant des élèves immobilisés, dont l’esprit n’est pas encore capable d’une attention soutenue. L’usage du tableau noir, tant recommandé, est loin de corriger ce qu’il y a d’anti-pédagogique dans cette manière de faire. Les enfants regardent et ne suivent pas. Je suis d’avis qu’il faut user du tableau, mais qu’il faut y joindre l’emploi de l’ardoise entre les mains de tous les enfants, qui prennent ainsi une part plus directe à la leçon et qui peuvent être mis en demeure à tout instant de prouver qu’ils ont compris. Ce procédé, que je m’efforce d’introduire dans toutes les écoles, plaît aux enfants dont il satisfait le besoin d’agir, et l’on obtient ainsi d’eux une somme d’efforts et de progrès qu’on n’obtiendrait pas autrement. D’autre part, il permet au maître d’intéresser tous les élèves à la fois et de tenir leur attention constamment en éveil ; il lui fournit aussi un moyen rapide de vérification. Partout où il est appliqué avec persévérance, il donne de bons résultats. On remarque bientôt un développement particulier des facultés d’attention et de discernement chez les enfants, et les maîtres, dont le travail est rendu plus efficace, ne l’abandonnent plus. Mais il faut beaucoup de patience et de temps pour gagner tout le personnel à une réforme,