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UNE EXPÉRIENCE D’EXTERNAT

je te dirai que je n’ai d’autre souci que le travail, et je crois que la plupart des élèves-maîtres pensent comme moi, car à quoi bon de passer trois ans à l’école normale si ce n’est pour s’instruire, se moraliser et faire tous ses efforts pour réussir à l’examen du brevet supérieur ?(C.)

Ce qui frappe le plus et ce qui satisfait en passant aux élèves de troisième année, c’est que leurs appréciations témoignent sensiblement d’un degré de plus dans le sérieux des jugements et surtout des jugements moraux. Sauf trois ou quatre qui semblent peu désireux de s’ouvrir, soit inhabileté, soit embarras, soit réserve, soit pour toute autre cause, tous confessent que l’externat a été pour eux l’occasion d’une épreuve salutaire, nécessaire sans doute. mais dont ils sentent maintenant la gravité. L’optimisme insouciant des deux premières années fait place à des réflexions plus mêlées, plus sévères.

Nous transcrivons presque in extenso une composition qui donne assez bien la note moyenne :

Je suis arrivé à Ajaccio, avec mes parents, après mon admission à l’école ; je n’ai eu aucune difficulté pour me procurer un logement convenable. Ce ne fut qu’au commencement des classes que j’éprouvai quelques déceptions. Habitué à me lever généralement vers 7 heures du matin, il me fut bien pénible de me lever à 6 pour me rendre à l’étude. Attendre jusqu’à midi pour déjeuner et jusqu’à 8 heures du soir pour souper n’était pas chose facile non plus, pendant les premiers jours. La nécessité m’a fait néanmoins sortir vainqueur de cette lutte contre les habitudes contractées ; je me suis accommodé à mon nouveau régime, et, une nourriture substantielle ayant compensé la rareté des repas, il n’y a eu aucun inconvénient pour ma santé. Les froids rigoureux de l’hiver et les fortes chaleurs de l’été ne sont pas trop de nature à faire aimer l’externat ; mais c’est la seule partie sombre du tableau. L’idée que je jouissais d’une assez grande liberté, auprès de mes parents, me faisait oublier ce petit inconvénient. Ayant vécu continuellement au village et à la campagne, l’internat aurait pu exercer une très mauvaise influence sur ma santé ; le régime actuel ne présente pas ce caractère dangereux ; il est assez en rapport avec mes habitudes, mon goût et mon âge. En allant de la ville à l’école ou réciproquement, j’ai, au moins, l’avantage de faire une petite promenade et d’apporter un peu de variété dans mes occupations.

Cette demi-liberté dont je jouis a encore un grand résultat ; elle m’apprend à me conduire dans la vie ; je me sens homme en me sentant libre et j’agis comme tel, sous ma propre responsabilité ; je connais la société et le monde, je m’y fais peu à peu une place conforme