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QUELQUES MOTS SUR LE PÉDAGOGUE ET LA PÉDAGOGIE

est, en quelque sorte, ce que voulait être la théologie au moyen âge, la maîtresse de l’école et la lumière de la vie, magistra scholæ, lux vitæ.

Est-elle une science au sens absolu du mot ? S’il faut entendre par là qu’elle a sa base au plus profond de l’être dont elle est chargée de régler la vie ; qu’elle se compose d’une suite d’observations qui, reliées les unes aux autres, permettent d’en déduire une doctrine et d’en tirer des lois ; que tel système est préférable à tel autre parce qu’il fait plus équitablement la part de tous les besoins de la jeunesse, — la dénomination est exacte. On ne refuse pas le nom de science aux études expérimentales qui, par des analyses bien conduites, aboutissent à des synthèses justifiées. Bien plus, on peut dire que, de toutes les études expérimentales, il n’en est point qui se prête mieux à une coordination de principes que celle qui repose sur la connaissance des conditions éternelles et universelles de la vie physique, intellectuelle et morale de l’humanité. Ce qui a pu faire dénier le nom de science à la pédagogie, c’est que, telle qu’on l’établissait, elle n’avait pour fondement qu’une observation tronquée par ignorance ou volontairement incomplète, et qu’elle sacrifiait, soit l’intelligence au caractère, soit le caractère à l’intelligence, soit la santé du corps au développement de l’esprit. Du jour où l’instituteur éclairé a embrassé dans leur ensemble inséparable, dans leur unité vivante, toutes les forces de l’enfant, tous les éléments nécessaires à sa croissance régulière et saine, l’œuvre de l’éducation a pris rang parmi celles auxquelles la science peut appliquer ses règles de précision. S’ensuit-il qu’il y ait lieu d’y introduire une rigueur mathématique ? Si l’appellation de science n’était acceptable qu’à cette condition, nous serions plus tenté d’en répudier que d’en rechercher le patronage. La pédagogie est une science, mais une science morale, c’est-à-dire une science qui doit considérer, sous peine de se rendre inefficace, tout ce qui peut venir à l’encontre des lois générales. On n’agit point sur une intelligence comme sur une matière qui offre partout et toujours les mêmes conditions d’existence souple ou incoercible. Il faut avoir égard à la constitution de l’individu qui a sa vie propre ; il faut compter avec les défaillances ou les résistances de la volonté libre et dont cette liberté, sujette à l’erreur, mais