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REVUE PÉDAGOGIQUE

le courage de reconnaître qu’une pareille institution est mauvaise ou du moins prématurée. Les ressources de la commune, peuvent être employées à d’autres œuvres scolaires plus utiles. Quant à la directrice, qui a fait preuve d’un talent incontestable, elle mérite d’être chargée d’une tâche plus féconde.

L’institution n’en aura pas moins été, pour tous ceux qui l’ont visitée, une preuve péremptoire de la possibilité de transformer par l’éducation des jeunes filles kabyles, le jour où il sera permis de leur ouvrir largement des écoles françaises.

L’instruction des filles musulmanes, quelque désirable qu’elle soit, ne doit être poursuivie qu’avec la plus grande réserve. D’abord il ne faut l’imposer nulle part. S’il paraît possible d’en faire l’essai dans quelques localités mieux préparées ou plus accommodantes que d’autres, il sera bon de l’organiser de façon à n’éveiller aucune susceptibilité, à ne blesser aucun sentiment respectable. Le mieux serait qu’elle se fit accepter et même rechercher par les avantages immédiats qu’elle procurera. Dans les conditions présentes, je ne vois que trois manières de l’introduire ou trois formes à lui donner.

L’éducation donnée par une femme française dans l’intérieur de la famille indigène. — Puisque les parents arabes ou kabyles consentent difficilement à envoyer leurs filles dans nos écoles, pourquoi n’irait-on pas les instruire chez elles ? Les femmes, filles, sœurs ou mères de nos instituteurs pourraient essayer d’entrer en relations avec les femmes indigènes, gagner peu à peu leur confiance, apprendre leur langue et leur enseigner, ainsi qu’à leurs filles, quelques mots de la nôtre, leur montrer l’art de devenir plus habiles dans les travaux d’aiguille, leur donner quelques conseils d’hygiène et, au besoin, quelques soins médicaux, enfin réunir quelques petites filles, tantôt chez l’une, tantôt chez l’autre, pour leur donner quelques éléments d’instruction française. Le système a été essayé plusieurs fois en Kabylie ; nous savons qu’il a échoué dans certaines tribus, mais qu’il a réussi dans d’autres.

Les écoles enfantines. — À partir d’environ huit ans, les petites filles sont séparées des garçons, elles sont voilées en pays arabe, elles doivent rester à la maison. Les parents se décideront difficilement à les envoyer à l’école. Il n’en sera pas tout à fait de même pour les petites filles de quatre à huit ans. Elles peuvent aller en classe avec les petits garçons du même âge. L’institutrice rend service aux familles en les gardant, en leur donnant des soins maternels, en leur enseignant à manier une aiguille, à confectionner de petits tricots, tout en leur apprenant à parler un peu le français, puis à le lire et même à l’écrire. Des écoles enfantines de cette nature ont pu être ouvertes à Aït-Hichem et à Azerou-Kollal, dans la commune mixte de Djurjura, et à Loutan-Thourt dans le Guergour. D’autres vont être créées dans la commune mixte de Fort-National. Celle d’Aït-Hichem est en très bonne voie, grâce à l’appui d’un chef indigène intelligent et dévoué.