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REVUE PÉDAGOGIQUE

meilleure, un apprentissage organisé et des débouchés assurés. Des maisons de commerce françaises consentiraient certainement à passer des marchés pour l’achat de ces tapis, s’ils leur paraissaient pouvoir remplacer ceux qu’elles tirent de l’étranger ; peut-être feraient-elles même l’avance des métiers et de la matière première. Il ne serait pas impossible de former des maîtresses ouvrières françaises pour cette spécialité. Quant à l’apprentissage, voilà un but tout indiqué pour des écoles professionnelles de filles indigènes.

Je crois que des écoles de filles musulmanes dirigées dans cette voie, ou dans une autre semblable, seraient bien vues de la population arabe de villes telles que Bougie, Constantine, Biskra, peut-être aussi Alger, Oran, Tlemcen, Mostaganem, et sûrement de la population kabyle d’un grand nombre de tribus.

Plus loin, M. Jeanmaire examine cette question « Faut-il changer la direction et le caractère de l’école indigène, transformer notre enseignement primaire en enseignement rudimentaire professionnel, donner la matinée à l’instruction générale, surtout à la pratique de la langue française, et l’après-midi au travail professionnel, travail du bois, du fer, et surtout de l’agriculture, dans les écoles de garçons ; travaux de ménage, de broderie, de tissage, dans les écoles de filles ; confier cet enseignement professionnel aux instituteurs et aux institutrices, ou à des ouvriers dirigés par eux, demander d’ailleurs des projets aux instituteurs au lieu de les leur envoyer tout faits ; enfin d’établir entre les Arabes et nous la solidarité du travail, des intérêts, des responsabilités, pour arriver un jour si possible à la fusion des idées et des sentiments ? » Et voici comment il répond :

Qui ne voudrait partager les illusions de l’auteur ? Tous les indigènes de l’Algérie devenus des ouvriers capables de faire, d’abord pour les Européens, puis pour eux-mêmes, les divers travaux dont les habitants des pays civilisés éprouvent le besoin, des agriculteurs assez habiles pour faire rendre à un sol d’une étendue immense et d’une rare fécondité tous les produits qu’il peut donner, la femme arabe relevée par le travail dans sa propre estime et dans celle des autres, la population musulmane se civilisant ainsi peu à peu, se rapprochant de nous, se sentant unie à nous par la solidarité du travail, des intérêts, des responsabilités, et tout cela grâce à une instruction primaire mieux entendue, quel beau rêve et quel admirable rôle pour l’école !

Il n’est pas un d’entre nous qui n’ait fait quelque rêve semblable à son arrivée sur la terre d’Afrique. Une connaissance plus exacte des hommes et des choses de l’Algérie, un examen plus réfléchi des