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LA MORALE DANS L’ANCIEN JAPON

L’éducation qu’elle reçoit l’y prépare fort bien, et de bonne heure elle sait quels seront à cet égard ses devoirs. « La jeune fille doit apprendre à coudre dès l’âge de onze à douze ans… Elle vivra dans l’intérieur de la maison et ne restera pas près de la porte. Surtout qu’elle se garde de bavarder. » L’avarice et la prodigalité dans les dépenses du ménage fournissent de très amples développements. D’ailleurs nos auteurs ne craignent pas d’entrer dans le détail. La femme fera sagement d’acheter chaque jour les provisions du lendemain et de tout payer comptant : lorsqu’on achète à crédit, c’est plus cher. Quand les servantes feront cuire les aliments, elle contrôlera par elle-même si l’eau ne manque pas et si le feu n’est pas trop vif… Il est honteux pour la femme que son mari, ses enfants et même ses domestiques portent des vêtements malpropres. Elle doit constamment tenir ces vêtements en bon état, les faire laver et les réparer. »

De 1773 à 1845, le Japon avait peu changé. Depuis lors il a subi des modifications dont l’histoire offre peu d’exemples. Toutefois, s’il est un domaine qui soit resté fermé aux innovations, c’est celui de la morale. Les vieux maîtres, qui enseignaient à la grand’mère l’obéissance absolue, la modestie, et les formules de la politesse nationale, ne sont pas morts. Ils sont encore les conseillers de la petite-fille ou du moins ils l’étaient encore, quand nous avons quitté le Japon. C’est encore leur souffle qui inspire le programme des écoles actuelles : la couture, les travaux du ménage, la cuisine et même les soins à donner aux tout petits enfants y tiennent une large place.

En sera-t-il de même longtemps encore ? C’est peu probable. D’une part, les sciences venues d’Europe ont forcé la porte des écoles elles s’y entassent et rendent chaque jour plus étroite la place laissée aux choses du passé ! Elles finiront sans doute par les expulser. D’autre part, des revues spéciales revendiquent hautement pour les femmes la place qu’elles tiennent en Europe. Il n’est d’ailleurs au pouvoir de personne d’arrêter le flot des idées nouvelles : qu’on les juge bonnes ou mauvaises, elles ensevelissent le passé.