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SUR L’INSTRUCTION DES INDIGÈNES EN ALGÉRIE

unes, comme Alger, Oran, Constantine, Tlemcen, Mostaganem, Biskra, Tizi-Ouzou, Miliana, ont bien un commencement d’organisation d’enseignement des indigènes, mais insuffisant. Les autres s’en tiennent à leurs écoles primaires ordinaires, semblables à celles ouvertes aux enfants français dans la métropole.

Pressées de faire des sacrifices pour la fondation d’écoles particulièrement destinées aux jeunes Arabes, les municipalités répondent, en général, que les écoles qu’elles possèdent sont ouvertes à ces enfants comme aux autres, et que des écoles spéciales ne leur paraissent ni utiles, ni conformes aux intentions du législateur, qui n’admet plus d’écoles confessionnelles. Elles n’oublient que deux choses : d’abord que leurs écoles actuelles manquant de place même pour les enfants français ou d’origine européenne, on ne voit guère comment les indigènes pourraient y être reçus ; ensuite que, les Arabes préférant pour leurs enfants des écoles spéciales, il faut tenir compte de cette préférence, si l’on veut avoir des élèves.

Je ne vois pas même pourquoi on n’y attacherait pas un taleb, chargé de faire lire, écrire et apprendre par cœur le Coran, si c’est un moyen d’y attirer et d’y retenir un plus grand nombre d’enfants. La langue du Coran n’est pas plus intelligible pour la plupart des maîtres d’école musulmans qui le font réciter, que le latin pour les frères des écoles chrétiennes qui le font psalmodier à leurs élèves. D’ailleurs il est interdit d’y joindre des commentaires. Y a-t-il là vraiment de quoi s’inquiéter ?

Sans doute on ne nous répétera plus le mot fameux : « Périssent les colonies plutôt qu’un principe » ; mais on n’en couvrira pas moins son indifférence sous de prétendues doctrines, qui n’ont aucun fondement, aucune portée, et qui ne servent qu’à entraver tout progrès, à paralyser tout effort.

L’instruction des indigènes de l’Algérie est avant tout un devoir national. Si telle ou telle municipalité en méconnaît l’importance, c’est aux pouvoirs publics qu’il appartient de prendre des mesures pour qu’une œuvre pareille ne reste nulle part en souffrance.

Les villes énumérées plus haut comptent environ 170,000 habitants musulmans, sur lesquels le nombre des garçons indigènes d’âge scolaire est évalué à 12,000 ;

La Grande Kabylie 260,000 musulmans, 27,000 garçons.

La Petite Kabylie 250,000 musulmans, 23,000 garçons ;

Soit un total de 680,00 indigènes, dont 62,000 garçons à instruire. Si l’on compte une classe pour 50 enfants et deux classes par école en moyenne, la réalisation de la première partie de notre programme exigera la création de 1,240 classes, réparties entre 620 écoles.

Quelle sera la dépense ? Si l’on veut bien se rappeler que le traitement d’un moniteur indigène varie entre 800 et 1,200 fr., celui d’un adjoint français ou indigène entre 1,200 et 1,500 fr., celui d’un instituteur français entre 1,500 et 2,100 fr., et celui d’un directeur