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REVUE PÉDAGOGIQUE

De la période romaine subsistent la célébration de certaines fêtes, certains rites matrimoniaux, certaines superstitions chères aux contemporains de Cicéron, quantité de mots latins reconnaissables malgré les déformations régulières, par préfixe et suffixe, que leur a fait subir le génie de la langue kabyle, enfin la croyance enracinée dans certaines familles et dans certaines tribus de l’Atlas et de l’Aurès qu’ils descendent des anciens. Roumis[1].

De l’époque chrétienne paraît venir ce signe de la croix si fréquent dans les motifs d’ornementation et de tatouage.

Des barbares du Nord, Gaulois, Germains, Scandinaves ou Slaves, procède ce type septentrional qui, parfois dans une même tribu, contraste si vivement avec le type méditerranéen. On ne peut imaginer combien sont peu rares en Kabylie les yeux bleus, les cheveux blonds et même roux. Tel montagnard, s’il était dépouillé de ses haillons pittoresques, paraîtrait le frère de ces gaillards osseux, aux traits rudes et maigres, aux yeux vert de mer ou d’un bleu dur, à la chevelure et à la barbe rouges ou filasse, de ces Saxons, Hanovriens, Poméraniens, qui encombrent les quais de Hambourg et vont coloniser le pays des Yankees. Il y a là aussi des têtes de Normands, de Flamands, de Lorrains, de Suisses. Chez les femmes on est souvent frappé du contraste entre des yeux d’azur et une chevelure d’un noir intense et mat : le mystère s’explique quand on sait que toutes les femmes berbères et arabes, sans exception, se teignent les cheveux avec la sébrah[2] quand la nature n’a pas fait tous les frais de ce brillant ébène.

L’existence d’un type septentrional dans notre Afrique pourrait être attribué à cette invasion préhistorique d’hommes blonds dont parlent le général Faidherbe et d’autres ethnographes ; mais ses effets, depuis tant de siècles, auraient été atténués et détruits par l’action du climat et de la race ambiante. N’est-il pas plus naturel

  1. Les Denhadja, dans le bassin du Safsaf, se disent eux-mêmes Oulad-el Djouhala, « Fils des païens ». Les habitants de Tébessa, au moment de la conquête française, se servaient encore de monnaies romaines, et ils se disent Romains comme s’ils étaient les descendants légitimes des quarante mille habitants de l’ancienne Théveste.
  2. La sébrah est une composition dans laquelle entrent, comme matières colorantes, la noix de galle, la baie du thuya ou le sulfure d’antimoine. Toutes les femmes indigènes en connaissent la préparation.