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REVUE PÉDAGOGIQUE

village l’arch n’est qu’un souvenir de famille et d’histoire ; la kbila ne se manifeste qu’au jour de péril. Elle nomme alors un chef commun, amin-el-oumena, « l’amin des amin », dont les pouvoirs cessent à la paix. C’est la domination française qui a donné de la permanence à la kbila en faisant d’elle une subdivision du cercle militaire, puis de la commune mixte, en lui donnant un président ou caïd permanent, adjoint indigène de l’Administrateur.

En résumé, les pays occupés par des sédentaires de langue berbère, moins parce que ceux-ci sont des Berbères que parce qu’ils sont des sédentaires, paraissent plus propres que les autres régions d’Algérie à récompenser un grand effort pour la diffusion de l’enseignement français et pour le rapprochement entre les indigènes et les Européens. Dans la Grande-Kabylie, en particulier, nous trouvons de petites nations composées à peu près des mêmes éléments ethnographiques que notre Provence et notre Languedoc, exactement des mêmes que notre Corse ; un pays montagneux, fertile, salubre, que maints voyageurs ont pu comparer à notre Dauphiné ou à notre Auvergne ; des cultivateurs fortement attachés au sol, l’estimant à des prix même plus élevés que le paysan français, habitant non des tentes ou des huttes, mais des maisonnettes de pierres couvertes en tuiles ; une population d’une densité presque égale à celle qu’offre notre département du Nord.

Si l’on essaie de déterminer à quel siècle de notre développement historique elle est arrivée, on pourrait croire qu’elle est plus loin de nous que l’Arabe : la civilisation arabe est celle de notre xiiie siècle, puisqu’elle est fondée comme elle sur le sentiment religieux et sur un livre révélé ; la civilisation kabyle serait celle de notre vie siècle, puisqu’elle est fondée comme elle sur des coutumes non écrites. En réalité, il est plus facile de passer de ce vie siècle que de ce xiiie siècle à notre état social d’aujourd’hui, précisément parce que l’obstacle tiré du livre saint et de la théologie existe moins chez les Kabyles. Les guerres qu’ils nous ont faites ont été inspirées moins par le fanatisme religieux que par l’amour jaloux de leur indépendance. Leurs institutions républicaines, leur organisation démocratique, sont moins incompatibles avec celles de la France actuelle que les préjugés aristocratiques et les situations quasi féodales des grands chefs