Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, II.djvu/127

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
117
naville. — hypothèse dans la science
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

ment identiques à celle de la recherche des causes. Dans le domaine des sciences qui ont l’homme pour objet, les causes sont des volontés. Leur pouvoir d’agir s’explique par l’idée de la liberté, car l’être libre est par essence un être-cause ; mais la considération d’un pouvoir libre n’offre point l’explication totale des actes de la volonté, même pour ceux qui admettent la réalité du libre arbitre, parce que la liberté humaine est essentiellement relative. Les déterminations de la volonté se produisent en présence d’impulsions diverses, ou d’antécédents dont la science cherche à rendre compte. Ces antécédents non volontaires des actes de la volonté sont de deux espèces : ce sont des impulsions passionnées, dont la cause dernière se trouve dans le tempérament, et donne lieu à des explications physiologiques, ou bien ce sont des motifs raisonnes, et ces motifs sont des fins que les agents se proposent. C’est la connaissance de ces fins qui rend les actes de la volonté intelligibles. Une volonté purement capricieuse, qui agirait sans but défini, ne pourrait être comprise ; mais lorsqu’une volonté poursuit un certain but, la connaissance de ce but fournit l’intelligence des moyens employés pour l’atteindre. Comment peut-on parvenir à la connaissance de ces fins, ou de ces buts qui sont les motifs des actions ? Sauf les cas rares où l’agent nous renseigne lui-même, avec une sincérité non douteuse, sur le but qu’il poursuit, il faut nécessairement recourir à la voie de l’hypothèse. Admettons, par exemple, qu’il soit établi que Charlemagne a été la cause de son couronnement, c’est-à-dire que c’est lui qui l’a voulu. Quel était son but ? L’historien essaie des conjectures et cherche dans les documents qu’il peut se procurer sur les plans de Charlemagne et son caractère, des moyens de vérification. De même le passage du Rubicon par César est un fait dont César reste responsable : il l’a fait parce qu’il l’a voulu ; mais nous demandons pourquoi il l’a voulu, et ce sont les motifs qui l’ont poussé à cet acte qui nous rendent l’acte intelligible. Dans ce cas le but poursuivi est très-apparent : César voulait se rendre maître de la République. Nous n’hésitons pas à penser ainsi ; cette pensée toutefois est une hypothèse, bien que l’hypothèse soit instantanée et confirmée immédiatement.

Les hypothèses relatives aux fins n’ont pas d’emploi dans la physique spéciale. Cette science étudie la nature des phénomènes et leurs lois de succession. L’homme s’empare des connaissances ainsi acquises, et les utilise en faveur de l’industrie ; il se rend maître des agents naturels dans la proportion où il les connaît. Souvent la science se produit sous l’impulsion du besoin de connaître, et sans autre considération ; mais dans les cas mêmes où on étudie des