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naville. — hypothèse dans la science

point de l’équateur, on est conduit à se demander : « À quoi servent ces manifestations électriques en permanence à travers l’atmosphère ? » La pensée que leur but est de purifier l’air, et de maintenir, à la surface du globe, les conditions de la vie, s’offre alors à la pensée comme une hypothèse probable, dont l’étude de l’action de l’électricité sur l’oxygène peut offrir la vérification[1].


Nous avons marqué la place de l’hypothèse, soit dans les sciences de raisonnement, soit dans les sciences de faits. Cette place est si apparente qu’on peut s’étonner qu’elle ait été si souvent méconnue par les logiciens et les philosophes. Nous avons constaté la cause historique de ce phénomène intellectuel dans la lutte de l’empirisme et du rationalisme. Il est possible de jeter une lumière supplémentaire sur ce sujet, en revenant avec plus d’insistance sur des considérations d’ordre logique.

Dans les sciences mathématiques les théorèmes sont démontrés immédiatement, et avec certitude. Il en résulte, comme je l’ai indiqué déjà, que les ouvrages qui exposent les découvertes faites dans ces sciences ne renferment pas, comme les livres des physiciens ou des historiens, des hypothèses plus ou moins probables. Le théorème n’a existé à l’état de conjecture que dans la pensée du savant, et pendant un laps de temps comparativement court ; la vérification est prompte et se fait au moyen de la déduction rationnelle. On se figure donc assez facilement être parvenu à la découverte de la vérité par la voie déductive qui n’a servi qu’à sa vérification. Le procédé par lequel on trouve, est ainsi confondu avec le procédé par lequel on prouve. Ces deux mots : prouver et trouver ne diffèrent que par une seule lettre ; ils expriment pourtant des opérations de la pensée parfaitement distinctes.

Dans le dialogue de Platon intitulé Ménon, Socrate veut montrer, par l’exemple d’un jeune esclave auquel il s’adresse, que tout homme sait naturellement la géométrie, et qu’il suffit de l’appeler à réfléchir pour l’amener à découvrir par lui-même les théorèmes de cette science. Il pose la question de la ligne sur laquelle il faut construire un carré, pour obtenir une surface double de celle d’un autre carré. L’esclave affirme d’abord que la ligne double donnera une surface double, et Socrate l’amène facilement, par le seul emploi de l’observation et de la réflexion, à reconnaître son erreur, et à voir que le carré fait sur la ligne double donnera un espace quadruple. Jusque-là la démonstration tentée est valable, ou à peu près. Mais il suffit de

  1. Voir l’Éloge d’Auguste De la Rive par M. Dumas, secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences de Paris.