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naville. — hypothèse dans la science

grand nombre les preuves de cette affirmation. Il est donc bien établi que les expériences supposent les hypothèses qu’elles ont pour but de vérifier ; mais ce n’est pas tout : il existe un élément hypothétique dans le choix même des expériences. Foucauld, par exemple, a supposé que, par le moyen d’un pendule installé dans de certaines conditions, il pourrait rendre sensible le mouvement de rotation de la terre. Si son expérience avait manqué, il n’aurait pas abandonné sans doute la théorie de Kopernik ; mais il aurait reconnu que le procédé qu’il avait imaginé pour la vérifier n’aboutissait pas. L’hypothèse qui se serait trouvée sans valeur, ne portait donc pas sur la théorie même, mais sur un des modes de sa confirmation. On dit quelquefois que le pendule de Foucauld fait du mouvement de la terre l’objet d’une perception immédiate ;, c’est une erreur. On produit un phénomène dont le mouvement de la terre se trouve, la meilleure explication ; mais les adversaires de la théorie de Kopernik, s’il en existait encore, trouveraient assurément quelque autre moyen d’expliquer le phénomène immédiatement observé.

En 1772, Lavoisier « commença à soupçonner (ce sont ses propres expressions) qu’un fluide élastique contenu dans l’air était susceptible de se combiner avec les métaux[1]. » Pour confirmer son soupçon, il institua un certain nombre d’expériences. Les premières ne réussirent pas, et ce ne fut qu’après un temps assez long, qu’en s’aidant des travaux de Priestley, il obtint l’oxygène. Dans le moment où il faisait des expériences qui ne réussissaient pas, il cherchait à justifier une hypothèse juste, mais il faisait de fausses hypothèses qui portaient sur le mode de vérification. Il pensait : « Par tel ou tel procédé j’obtiendrai le fluide élastique qui se combine avec les métaux. » Le fluide élastique existait, mais les procédés imaginés pour l’obtenir étaient défectueux.


Nous pouvons maintenant conclure, en reproduisant notre affirmation initiale, que, dans tous nos ordres de recherches, la méthode se compose de trois éléments : observation, supposition, vérification, et que les tentatives faites pour la réduire au monisme ou au dualisme ne supportent pas un examen sérieux. Les trois éléments de la méthode sont distincts mais inséparables. L’hypothèse intervient dans l’observation et la vérification. L’observation intervient dans l’hypothèse dont elle forme le point de départ, et dans la vérification dont elle est la substance. La vérification enfin est inséparable de l’observation qui est son instrument et de l’hypothèse

  1. Hoefer. La chimie enseignée par la biographie de ses fondateurs, page 76.