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penjon. — la métaphysique de j. ferrier

réfuter ; il faut mettre en présence le vrai et le faux ; la clarté est à ce prix.

Cette suite de démonstrations et de réfutations fait du livre de M. Ferrier un livre de polémique ; mais il répond que la philosophie n’a jamais cessé et ne doit jamais cesser d’être militante. Sa raison d’être est de corriger les erreurs généralement reçues ; si l’homme naturellement pensait bien, elle serait inutile. On ne peut d’autre part accuser le philosophe de présomption, car c’est lui-même qu’il veut d’abord corriger. La métaphysique pourrait se définir : la substitution d’idées vraies, c’est-à-dire des idées nécessaires de la raison, aux erreurs populaires, et elle est souvent en contradiction par cela même avec la psychologie qui se préoccupe plutôt de constater ce qui est que de rectifier les jugements ordinaires.

La division des Institutions de métaphysique n’est pas arbitraire ; en philosophie, rien ne doit être laissé à la fantaisie individuelle ; le nombre et l’arrangement des parties sont nécessités, non choisis. De ce qui précède sur la lenteur avec laquelle se dégagent les premiers principes, il résulte clairement que la science de ces principes ne doit s’établir qu’en dernier heu. La difficulté est donc de déterminer par où nous devons commencer. Quelle est la question qui se présente à nous la première ? C’est celle-ci : Qu’est-ce que la vérité ? En réalité, c’est la dernière à résoudre ; mais, par rapport à nous, elle se pose tout d’abord. Nous pouvons toutefois donner une réponse provisoire : la vérité est ce qui est. Ce qui est absolument est vrai. Mais aussitôt se présente cette nouvelle question : Qu’est-ce qui est ? What is ? Et ici nous ne pouvons encore répondre que d’une manière évasive ; le moment de satisfaire à cette question n’est pas venu ; il faut auparavant résoudre d’autres problèmes. Mais le fait seul de poser cette question, permet d’indiquer déjà une partie correspondante de la philosophie, une division dont elle fera l’objet spécial. On la désigne d’ordinaire et avec raison sous le nom d’ontologie (λόγος τῶν ὄντων, — la science de ce qui est réellement).

La réponse évasive que nous pouvons faire déjà à la question : qu’est-ce qui est ? se présente naturellement sous cette forme : ce qui est, c’est ce qui est connu. De là, cette autre question : qu’est-ce qui est connu et qu’est-ce que connaître ? La réponse est développée dans une nouvelle division de la philosophie, l’ÉPISTÉMOLOGIE (λόγος τῆς ἐπιστήμης, — la science de la vraie connaissance). On ne peut aborder l’étude de l’ontologie avant d’avoir traité de l’épistémologie tout entière.

Ce sont là les deux parties principales de la philosophie, et l’on voit dans quel ordre on doit nécessairement les présenter. Mais