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-même est le commencement : la synthèse du moi et du non-moi est originale et toute primitive.

« L’existence absolue est la synthèse du sujet et de l’objet, — l’union de l’universel et du particulier, du moi et du non-moi ; en d’autres termes, les existences, qui sont seules vraies, réelles et indépendantes, sont des esprits ne faisant qu’un avec ce qu’ils perçoivent (minds-together-with-that-which-they-apprehend). » Cette proposition donne la solution du problème ontologique ; elle établit l’équation du connu et de l’être ; elle prouve l’identité de l’absolu dans la connaissance et de l’absolu dans l’existence ; elle confirme l’interprétation que nous avons proposée de la théorie platonicienne : le monde intelligible, dont parle Platon, est bien notre monde sensible ; le moi et le non-moi sont nécessaires en effet pour faire un monde intelligible, sous cette réserve toutefois que le non-moi est variable et contingent.

« Toutes les existences absolues sont contingentes, une seule exceptée ; en d’autres termes, il n’y a qu’une seule existence absolue qui soit strictement nécessaire ; et cette existence est un Esprit suprême, infini, éternel, en synthèse avec l’ensemble des choses. » La raison, en effet, ne demande pas plus que le nécessaire, et il suffit, pour que l’univers ne soit pas contradictoire, qu’il soit supposé en relation avec une seule intelligence. Or si nous pouvons concevoir que les hommes n’aient pas toujours été, il est impossible de concevoir qu’il n’y ait pas de toute éternité une Intelligence en synthèse avec l’ensemble des choses. La distinction entre les existences absolues contingentes comme les nôtres, et l’existence absolue nécessaire, nous fournit ainsi la preuve ontologique de l’existence de Dieu. Cette conclusion de notre système est rigoureuse ; mais nous devons nous en tenir à cette affirmation de l’existence de la Divinité ; la métaphysique ne peut aller au delà, et c’est ici que la religion commence.


V


Nous nous sommes efforcés de résumer avec exactitude le système de M. Ferrier ; nous n’avons pu éviter une certaine monotonie, peut-être, dans l’exposé de ces théorèmes rigoureusement enchaînés ; mais c’est un caractère essentiel de ce livre que cet enchaînement voulu et réel des propositions qui composent la nouvelle doctrine, et c’était une nécessité de le mettre en relief. On ne, refusera pas de reconnaître cette rigueur de déduction qui donne quelque analogie