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à la lumière de la raison et à celle des sens. La science ne fait que ramener sans cesse le particulier au général. — Toutefois la généralité « qu’atteint la science, n’est qu’une généralité empirique, relative, incertaine (das Gemeinsame plutôt que das Allgemeine). La spéculation philosophique, la méthode dialectique peuvent seules donner des principes véritablement généraux, immuables, certains, tels que la raison les réclame : c’est qu’elles savent seules les rattacher à l’absolu, au bien, à l’idée suprême. — Mais la méthode inductive qu’emploie la science, et la méthode dialectique du métaphysicien ne sont pas pour cela contraires. Elles se contrôlent et se complètent réciproquement : la première donnant les rapports empiriques, les généralités relatives ; la seconde, à la lumière de l’Idée absolue et par la vertu de la dialectique, enchaînant, coordonnant les données de l’expérience, leur communiquant enfin la fixité du principe suprême. — Qu’on n’objecte pas contre le caractère immuable de la notion trouvée par la dialectique, la mobilité des espèces et des genres, qu’affirme le Darwinisme. L’expérience, n’hésite pas à soutenir Michelet, n’a pas encore justifié cette prétendue variabilité.

À cet hégélianisme inflexible, Kirchmann réplique que la dialectique n’est pas plus en droit que la science d’affirmer la vérité immuable de ses notions générales. Quant à l’accord prétendu des deux méthodes, il n’est possible qu’autant que l’une d’elles dirige et prédomine : or les préférences, mal dissimulées, de Michelet pour la méthode dialectique, sont trop ouvertement en désaccord avec les tendances de la pensée contemporaine.

Le Dr Frederichs se refuse absolument à l’identité de l’être et de l’Idée, de la pensée humaine et de la réalité infinie, qui est le principe de l’intuition intellectuelle et de l’idéalisme hégélien.

Le prof. Lasson croit que l’on peut abandonner certaines affirmations excessives de Michelet, et maintenir les vérités essentielles de l’hégélianisme. La conciliation de la méthode philosophique et de la méthode expérimentale, sur laquelle paraît surtout rouler le débat, se fait d’elle-même, si l’on songe que la métaphysique et la science ne poursuivent pas le même but. À la première, l’explication mécanique, le gouvernement de la réalité matérielle ; à la seconde, la démonstration d’une finalité rationnelle dans l’univers. L’une nous dit ce que sont les choses ; l’autre cherche à savoir pourquoi elles sont. Mais le métaphysicien ne travaille que sur les matériaux que lui fournit la science. Sous le monde des abstractions, des lois et des genres, que cette dernière lui présente, il aspire à découvrir l’activité incessante, le développement progressif d’une raison éternelle, la manifestation phénoménale de la substance absolue.