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analyses. — p. janet. Les Causes finales

phénomènes avec le futur « d’après le modèle que nous trouvons en nous, lorsque nous combinons quelque chose en vue du futur. » Mais avons-nous le droit d’assimiler ainsi l’industrie de la nature et l’industrie de l’homme ? À vrai dire nous ne connaissons qu’un seul centre de finalité : notre volonté et ses représentations. Pourtant nous ne restons pas confinés en nous-mêmes ; partout où nous rencontrons des cas analogues à ceux que la conscience nous révèle en nous-même, nous plaçons des causes finales avec un degré de probabilité qui croît ou décroît avec les degrés de l’analogie elle-même. C’est ainsi que nous affirmons l’existence de l’intelligence et de la finalité chez nos semblables, chez les animaux, lorsque leurs actions dénotent clairement la poursuite d’un but et ressemblent ainsi aux nôtres. Devons-nous rompre la chaîne des analogies, lorsque la conscience disparaît pour faire place à l’inconscience ? Il le faudrait, si l’intelligence consciente était la condition indispensable de l’existence de buts prédéterminant l’ordre et l’agencement de leurs moyens, et de moyens appropriés à un but ; encore pourrait-on soutenir qu’il suffît que l’intelligence réside dans la cause du système et non dans le système lui-même. Mais il s’agit uniquement ici de la finalité comme fait et comme loi, et non pas de sa cause : dès lors il s’agit de savoir, si malgré des différences profondes entre l’œuvre de l’homme et l’œuvre de la nature, il n’y a pas entre elles assez d’analogies pour qu’il soit légitime et même nécessaire de pousser l’induction au-delà des limites où la conscience cesse de se manifester. M. Janet insiste longuement sur ce point important et il conclut en disant : « La comparaison faite de tout temps entre l’industrie de la nature et l’industrie humaine n’est pas du tout une comparaison superficielle et métaphorique. Cette comparaison se fonde sur ce fait certain et démontré par la science que l’industrie humaine n’est que la prolongation, la continuation de l’industrie de la nature, l’homme faisant sciemment ce que la nature a fait jusque-là par instinct. Réciproquement on peut donc dire que la nature, en passant de l’état rudimentaire où se manifeste d’abord toute substance organisée jusqu’au plus haut degré de la division du travail physiologique, a procédé exactement comme l’art humain, inventant des moyens de plus en plus compliqués, à mesure que de nouvelles difficultés se présentaient à résoudre… De part et d’autre la nature et l’art débutent par les moyens les plus simples ; de part et d’autre la nature et l’art s’élèvent aux combinaisons les plus savantes, les plus profondes, les plus méditées. »

Après avoir ainsi déterminé l’idée et établi la loi des causes finales, M. Janet aborde le problème des rapports du mécanisme et de là finalité et il en donne une solution qui laisse intacts les droits de la science positive, tout en maintenant ceux de la métaphysique. La finalité n’exclut pas le mécanisme, car les matériaux mis en œuvre pour réaliser les fins poursuivies dans la nature sont soumis aux lois mécaniques ; la finalité n’est pas le miracle en permanence ; elle coordonne vers des