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tend, d’éluder le fatum, c’est de faire une donation de sa collection à quelque musée ou établissement public ; alors le génie de l’art est apaisé. Le particulier retourne au général ; la conciliation est faite. La nation, le public, la cité ont repris leurs droits, c’est le moment de la conciliation (Vermittelung) qui réside dans le destin tragique de la collection. Par lui on s’élève du premier degré (Empfindung) à un degré supérieur, celui de la réflexion.

Tout cela est dit fort sérieusement et nous craignons d’être taxé d’esprit frivole, classé au premier degré de l’échelle, comme incapable de comprendre et de goûter ce qu’il y a de profond et de vrai dans ce chef-d’œuvre de dialectique. Nous regrettons qu’un penseur aussi distingué, qui nous semble avoir si bien senti et compris lui-même les défauts de son école et de la méthode employée par ses prédécesseurs, n’ait pas su lui-même les éviter. — Mais c’est trop nous arrêter à ce long préambule. Nous devons nous hâter d’arriver à l’histoire critique des théories esthétiques.


IV


Obligé de nous renfermer dans d’étroites limites, nous examinerons d’abord la marche générale que l’auteur a suivie, la manière dont il établit et caractérise ses époques principales et secondaires. Nous jeterons ensuite un coup d’œil sur chacune d’elles en nous arrêtant sur les points qui nous paraîtront les plus dignes de fixer notre attention.

Fidèle à la méthode hégélienne, M. Schasler adopte la division tripartite que lui impose la dialectique ; il reconnaît trois moments dans l’histoire de l’esthétique ; ils répondent aux trois catégories de la pensée : l’intuition, la réflexion et la spéculation. — L’antiquité forme, à elle seule, une première période. L’intuition y domine. Platon, Aristote, Plotin y marquent trois degrés différents et représentent presque toute l’esthétique ancienne. Les autres écoles ne fournissent qu’un faible contingent ou des doctrines peu originales. Après une interruption de quinze siècles où cette science est absente et comme totalement oubliée, le fil se renoue au xviiie siècle. — L’esthétique anglaise, française, italienne et hollandaise ouvrent cette seconde période. Mais ce n’est qu’un préambule à l’esthétique allemande qui, avec Baumgarten, commence véritablement cette seconde époque. Celle-ci se continue avec Kant et ses successeurs jusqu’à la fin du xviiie siècle. — La troisième époque est celle du xixe siècle. L’idéalisme absolu de Fichte, de Schelling, de Hegel, et les travaux des