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analyses. — kind. Celse et Origène

chacun de nous peut la renouveler en petit pour sa propre existence. Il y aurait, je crois, quelque intérêt pratique à nous arrêter souvent, à propos de nous-mêmes, sur des réflexions comme celles-ci : « Telle faute pouvait faire autrement et mieux ! » Ce serait là un moyen assuré d’accroître notre foi dans l’efficacité de nos actes. Il y a donc une utilité morale incontestable à présenter à l’esprit des imaginations semblables à celles de l’Uchronie. C’est par là surtout que vaut un livre, qui, au point de vue spéculatif, ne résout rien, n’éclaire rien dans le labyrinthe du libre arbitre, mais qui peut contribuer à maintenir, à fortifier dans nos âmes la chose la plus précieuse de ce monde, je veux dire le sentiment pratique de notre liberté, en nous débarrassant de cette idée accablante de nécessité, dont Stuart Mill disait : « L’idée de nécessité pesait sur mon existence comme un mauvais génie. »

G. Compayré.

Aug. Kind. Teleologie und Naturalismus in der altchristlichen Zeit. Der Kampf des Origenes gegen Celsus um die Stellung des Menschen in der Natur. (Téléologie et naturalisme à l’ancienne époque chrétienne. La lutte d’Origène contre Celse sur la place de l’homme dans la nature.) Iéna. H. Dufft. 1875.

L’auteur de ce piquant opuscule, consacré à l’examen du problème des causes finales, ne pouvait avoir l’intention de refaire l’intéressant ouvrage de M. Th. Keim sur le livre perdu de Celse, le Λόγος ἀληθής[1]. Ce philosophe platonicien du iie siècle, qu’Origène appelle épicurien, on devine pourquoi, a tenté de ruiner les fondements historiques de la religion des chrétiens ; à l’idée de l’amour et de la charité, il a opposé celle de la justice ; à la foi au salut de l’humanité par l’incarnation d’un dieu, la croyance en un ordre éternel et rationnel du monde ; au ferme espoir en la résurrection des corps, la doctrine de la caducité de la matière et de l’immortalité de l’âme. On connaît les arguments qu’Origène lui a opposés : l’accomplissement des prophéties de l’Ancien Testament, les miracles opérés chaque jour dans la personne des malades et des possédés par la vertu des Évangiles, etc. Un point très-curieux de cette polémique était resté dans l’ombre : la nature des raisons alléguées de part et d’autre sur la question de la place de l’homme dans le monde.

L’ancienne église enseignait, avec la Bible, que l’homme était le but de l’univers. Certains philosophes, — et ce n’étaient pas seulement les épicuriens, — soutenaient la vérité de l’explication mécanique de la

  1. Celsus’ Wahres Wort. Aelteste Streitschrift antiker Weltanschauung gegen das Christenthum vom Jahr 178 n. Chr. Zürich, Orell Füssli, 1873