Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, II.djvu/321

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
311
analyses. — ferrari. Teoria dei periodi politici.

rôle du gouvernement n’est pas autre, il représente la force et agit toujours par la force, de quelque apparence de douceur qu’il se revête. Il ne faut pas chercher en lui l’exacte expression de la société qu’il gouverne ; celle-ci, au contraire, poursuivant son évolution alors que lui reste immobile, ne tarde pas à s’en séparer ; l’appareil de défense qu’elle avait construit à son usage lui devient bientôt une insupportable barrière et ainsi se prépare un avènement nouveau.

Il va de soi que tous les changements de gouvernement ne marquent pas le commencement d’une génération. Ceux-là seuls qui s’implantent, et durent trente ans, fournissent aux supputations de la « statistique circulaire) des dates à recueillir ; quant aux autres, ils peuvent être négligés. « Ainsi on ne comptera pas les tentatives malheureuses, les révoltes manquées, les simples secousses ; on ne comptera pas la révolution de Masaniello, étouffée soudainement par les Espagnols, qui se maintinrent pendant cette même génération ; on ne comptera pas les préludes impuissants de toute révolution future, pas plus que les convulsions posthumes de tout gouvernement tombé » (page 23). « Enlevons les efforts inutiles pour établir de nouveaux pouvoirs, et les efforts non moins vains pour ranimer des pouvoirs morts, le nombre des mutations se réduit des deux tiers. »

Nous voilà donc en possession d’une unité de mesure définie : nous n’avons qu’à la promener comme un mètre sur la série des temps, d’un changement de gouvernement à l’autre ; et nous nous expliquerons une à une toutes les phases partielles de l’histoire. Mais si cette mesure suffit pour nous permettre de prévoir quand un gouvernement finira, elle ne suffit pas pour déterminer par quel gouvernement il sera remplacé. M. Ferrari y a pourvu. Il nous donne une théorie de la période, non moins résolue, ni moins arrêtée dans ses contours que sa théorie de la génération.

Les générations sont fiées les unes aux autres par groupes de quatre, composés indéfiniment des mêmes éléments et suivant le même ordre. On y distingue d’abord une génération préparatoire, ou génération des précurseurs, ensuite une génération explosive ou révolutionnaire, puis une génération réactionnaire, enfin une génération résolutive. Insistons tout d’abord sur le caractère essentiel de la période ; sa durée. Chacune de ses divisions durant 30 ans et quelques mois, elle s’accomplit elle-même en 125 ans, avec une régularité supérieure à celle de la génération. L’auteur a fait le calcul pour toutes les nations historiques et il en a tiré cette loi que les variations fréquentes dans la longueur des générations, tendent d’une manière constante à se compenser les unes par les autres dans l’espace d’une période[1]. « Les irrégularités elles-mêmes des générations, dit-il, deviennent isochrones dans la période et il s’y introduit une sorte de régularité anormale qui compense les

  1. Voir Quételet : Du système social et des lois qui le régissent. Paris, Guillaumin, 1848.