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le Style passionné. Sa parole a des soudainetés de mouvements et d’images, qui surprennent quand elles ne choquent point : par exemple, après avoir écrit que tout gouvernement est conservateur, il ajoute : « Il repose sur la force, il se soutient par les gendarmes ; le bourreau est son personnage le plus nécessaire. » Ce fracas de termes amuse le lecteur, mais l’étourdit aussi : on voudrait se reconnaître au milieu de cette nuée de dates, se représenter à petit bruit et en détail les phénomènes infiniment complexes dont se compose la vie des nations ; comment le pourrait-on poussé que l’on est par la logique oratoire de l’auteur ? Peu à peu on se dit qu’un esprit qui abonde dans son propre sens avec cet entraînement pourrait bien n’avoir entrevu qu’un côté de son vaste sujet ; en tout cas, on se défie d’un historien qui a l’arithmétique aussi fougueuse.

L’origine de ce livre mérite d’être rapportée. M. Ferrari est venu à Paris en 1838 pour y attendre quoi ? le réveil de l’Italie. Dès lors il s’est mis, comme il le dit, à compter les heures et il a cherché dans l’histoire si les vicissitudes nationales ne trahissaient point quelque oscillation régulière à travers leur perpétuelle instabilité. Désireux de savoir quand il y aurait à nouveau une Italie, et non moins désireux d’y retourner vivre dès qu’elle serait constituée, on comprend que ce ne soient pas les mouvements séculaires de l’histoire, mais ceux dont le même homme peut être plusieurs fois témoin, qui ont attiré son attention. Il ne faut donc point s’étonner si ce livre témoigne d’une certaine indifférence pour les destinées de l’humanité ; si l’on a omis, par exemple, de se demander ce que devenait la vérité pratique conquise par chaque période, et quel profit la civilisation devait retirer de ces luttes entre la vérité et l’erreur, closes chaque fois par une victoire de la vérité ; le patriotisme seul l’a inspiré ; et ce n’est certes pas une raison pour qu’il soit moins bien accueilli chez nous.

A. Espinas.

Brinton (Daniel G.) : The Religious sentiment, its source and Aim : a contribution to the science and philosophy of Religion, Holt and C°, New-York, 1876.

La Mythologie, nous dit l’auteur dans sa Préface, depuis qu’on l’étudié scientifiquement a été traitée comme une branche de l’histoire et de l’ethnologie. Je me propose ici un autre but : c’est une analyse du sentiment religieux fondée sur des bases inductives. Déjà, dans une publication préalable sur Les Mythes du Nouveau-Monde[1], M. Brinton

  1. The Myths of the new World, a Treatise on the Symbolism and Mythology of the red race of America (2e édit. 1876, New-York).