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ch. bénard. — l’esthétique de max schasler

histoire critique, qui par là appelle la critique, nous paraît laisser le plus à désirer.

La première est relative à la manière générale dont notre historien juge et apprécie les travaux antérieurs et étrangers à l’esthétique allemande au xviiie siècle.

Il faut aller, on l’a vu, jusqu’aux premières années de ce siècle pour voir poindre l’aurore de cette science dans des productions la plupart étrangères à la métaphysique du beau et de l’art, mais qui touchent à la théorie des arts. C’est d’abord en Angleterre, puis en France, puis en Ecosse, en Italie, en Hollande, que ces écrits apparaissent. L’auteur y distingue lui-même deux tendances, l’une spiritualiste, qui se rattache à Platon dans les écrits de Shaftesbury, l’autre, sensualiste, qui relève de Locke, Hume, Burke.

L’école écossaise, Hutcheson, Blair, Th. Reid, prend aussi une part active à ce mouvement et fournit son contingent en invoquant le sens commun. En France[1], Batteux, Dubos, Diderot ; en Hollande, Hemsterhuys ; en Italie, Muratori, Bettinelli, Spalatti, voilà les représentants principaux de cette science, qui fait ainsi ses débuts sur un théâtre nouveau, dans une pièce où l’unité d’action aussi bien que celle de lieu font défaut. Comme tout ce qui commence, elle est faible, ses premiers pas sont incertains, elle ne peut offrir de grands et vrais systèmes. Les esprits qui se mêlent de ces questions ne sont ni de profonds penseurs ni d’habiles dialecticiens. Ils les agitent un peu au hasard et sans méthode, les résolvent d’une façon superficielle. Toutefois il ne manque pas dans ces écrits d’observations justes, de faits bien aperçus et bien décrits, de fines remarques dont la science elle-même fera son profit et qui devront l’enrichir. L’historien philosophe qui aspire à concilier le réalisme et l’idéalisme ne doit pas trop les mépriser ni les oublier. Ils ont, du reste, le mérite incontestable de poser les premiers les questions, ce qui n’avait pas été fait depuis quinze siècles.

Comment M. Schasler envisage-t-il ce mouvement et cet ordre de travaux ? On doit convenir qu’il est loin de les négliger ; il leur consacre même une assez longue étude où il entre dans les détails. Mais son jugement ne répond guère à l’attention qu’il leur accorde. Quelle place leur donne-t-il et quel rôle leur fait-il jouer ? D’abord il les traite fort dédaigneusement ? Le seul mérite qu’il leur trouve c’est d’avoir servi de préparation à l’esthétique allemande. Le titre de ce chapitre est significatif : « L’esthétique anglaise, écossaise, française, italienne, hollandaise comme précurseur de l’esthétique

  1. Nous sommes étonné que le P. Andre soit oublié.