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delbœuf. — logique algorithmique

La multiplication est donc une nouvelle manière de composer les nombres. Mais ils ne peuvent tous se former de cette manière ; il y en a qui ne sont pas des produits, ce sont les nombres premiers. Telle est la définition de ces nombres, analogue, comme on le voit, à celle du nombre unité.

La multiplication donne naissance à la division. Tout nombre peut être considéré comme quotient, mais tout quotient n’est pas un nombre. Le quotient qui n’est pas nombre est une fraction. L’origine de la fraction est parallèle à celle du nombre négatif ; elle gît dans une division impossible, et elle engendre une nouvelle expression symbolique.

Arrêtons-nous un instant ici pour jeter un coup d’œil rétrospectif sur le chemin parcouru. La symbolisation une fois réalisée, les opérations se sont présentées à l’esprit, pour ainsi dire, d’elles-mêmes, et se sont engendrées naturellement et méthodiquement ; c’est ce que nous verrons encore mieux tout à l’heure. Elles ont donné lieu à des problèmes généraux dont les résultats ont été formulés en théorèmes, et elles ont amené des symboles nouveaux et inattendus, dont la signification doit être étudiée avec circonspection. Il y a toujours à se demander, comme nous le dirons plus explicitement dans un instant, si les règles applicables aux symboles naturels sont valables pour ces symboles inévitables introduits par la force des choses. Quant à la démonstration des théorèmes, par exemple, que l’on peut intervertir les termes d’une addition ou les facteurs d’une multiplication, on peut voir qu’elle ne repose pas sur une conclusion du général au particulier, mais plutôt sur une induction du particulier au général. On s’aperçoit directement que 2 + 3 = 3 + 2, ou que 2 x 3 = 3 X 2, et l’on se dit que l’on pourrait voir de même que 3 + 4 = 4 + 3, et que 2 X 4 = 4 X 2. Le mode de preuve apparaît comme indépendant de la grandeur des nombres sur lesquels on expérimente, et l’on en conclut facilement que des nombres quelconques seraient justiciables de ce procédé de démonstration. C’est ainsi qu’en géométrie on prouve que les trois angles d’un triangle font deux droits en se servant d’un triangle particulier, et que la preuve est néanmoins générale, parce que les qualités individuelles de ce triangle, la longueur des côtés et la grandeur des angles, n’y viennent jouer aucun rôle. Ceci montre encore que les

    fût ainsi, il faudrait que ce second nombre fût considéré comme égal, par exemple, à l X 4, et non comme égal à 1 + 1 + 1 + 1. De plus, si l’on considérait le multiplicateur 4 comme formé par l’élévation au carré de 2 fois l’unité, ne pourrait-on pas conclure que pour obtenir le produit, il faut prendre 2 fois le multiplicande, puis élever au carré ? Tout cela prouve qu’une bonne définition n’est pas chose facile à trouver.