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analyses. — dühring. Cours de philosophie.

que les savants, en les reprenant pour leur propre compte, et en portant dans l’examen qu’ils en font leur ignorance philosophique, l’étroitesse de leur point de vue spécial, n’ont pas moins fait de tort à la vérité que les métaphysiciens par leur dialectique imaginaire. — En attendant qu’une véritable philosophie de la nature se soit produite, affirmons du moins hardiment l’impuissance absolue du positivisme à la constituer. Le positivisme ne fait-il pas essentiellement profession d’ignorer ou de nier la nécessité des premiers principes ? Il est coupable de haute trahison envers la science (Hochverrath an die Wissenschaft), envers la majesté et la souveraineté de la pensée, dont il conteste et prétend limiter la puissance. Au fond, il est l’allié de l’obscurantisme, qui seul bénéficie de son demi-scepticisme. — Le mal envahissant le nouveau comme l’ancien monde, signalons-en la cause principale. Ce ne sont pas les erreurs du spiritualisme traditionnel qu’il faut accuser du trouble des esprits. Le mal vient surtout de ce que le sens véritable de la réalité fait habituellement défaut (ein lange eingewöhnter Mangel an Wirklichkeitssinn). On ne sait pas voir dans la nature le Tout absolu, qui se suffit à lui-même et n’a besoin d’aucun autre être pour s’expliquer. On obéit trop souvent encore au vieux préjugé, qui fait du monde des esprits, des pensées, un monde à part et indépendant au sein du vaste univers. Les phénomènes de la conscience font partie de la nature comme les autres : et, comme tout le reste, ils reposent sur le solide fondement de la matière. En voulant les affranchir de la nécessité des lois mécaniques, on supprime du même coup la possibilité de distinguer entre le subjectif et l’objectif, entre l’illusion et la réalité. La réalité matérielle et mécanique est la condition, la mesure, disons mieux, la base même de toute réalité. Les phénomènes de conscience sont sans doute bien distincts en eux-mêmes de la pure matière et des forces mécaniques ; mais ils doivent leur existence à des processus de nature matérielle et mécanique. — Après avoir établi aussi que la nature embrasse à la fois les corps et les esprits, et que les lois du mécanisme qui la régit sont les règles absolues, les principes derniers de toute réalité, essayons d’analyser, de déterminer ces lois.

Nous pouvons les diviser en deux classes : les catégories purement mathématiques, et les catégories à proprement parler mécaniques, — Les premières, à savoir le nombre, la grandeur, l’espace, le temps, le mouvement géométrique, sont dominées par la loi du nombre déterminé (das Gesetz der bestimmten Anzahl. 64), en vertu de laquelle il ne peut y avoir aucune grandeur absolue, mais seulement des grandeurs définies. Il suit de là que l’infiniment petit n’existe pas plus que l’infiniment grand ; que la division des corps doit expirer devant les atomes ; et que le nombre des atomes est, à son tour, déterminé. Ni l’espace, ni le temps réels ne sont illimités : l’auteur revient ici sur des considérations déjà présentées. L’univers infini de Spinoza n’est donc qu’une chimère. — La catégorie de l’espace a été dans ces derniers temps l’objet des affirmations les plus paradoxales. La géométrie ima-