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analyses. — dühring. Cours de philosophie.

une loi fondamentale de la nature que les règles immuables qui président à la détermination de leurs changements. Il faut donc distinguer entre les lois auxquelles est soumise la constance, et celles d’où dépend le développement des choses (Beharrungs-und Entwickelungsgesetze). Observons encore que la loi ne régit pas seulement le cas général, mais aussi le cas isolé. Ce qui ne s’est produit qu’une fois dans le cours des choses ne dérive pas moins d’une loi nécessaire que ce qui se répète tous les jours : ainsi la première apparition de chaque espèce. Les prétendues créations de la nature ne répondent pas moins que tout le reste à une loi nécessaire de son développement : et les grands principes de la continuité et de la raison suffisante doivent guider constamment nos hypothèses. — La philosophie timide, qui ne laisse pas enchaîner son essor par la défiance excessive qu’une critique, comme celle de Kant, entretient contre la raison, ne s’interdit pas de scruter le mystère qui enveloppe les origines, pas plus qu’elle ne recule devant celui de la fin possible des choses. On connaît la célèbre hypothèse où, dans un des écrits les plus dogmatiques de sa jeunesse, Kant essaie d’expliquer par la consolidation graduelle d’une nébuleuse primitive la formation des divers éléments de notre système planétaire. Cette conception, à laquelle l’autorité de Laplace semble donner le caractère d’une certitude démontrée, ne soutient pas cependant un examen attentif. Bornons-nous à indiquer rapidement une des principales objections qui peuvent lui être faites : on lira les autres dans l’histoire critique des principes de la mécanique. Dans l’arrangement des divers éléments qui constituent un système mécanique, on doit trouver à l’avance la raison de tous les changements qui se produiront. Mais si l’on se représente la matière diffuse de la nébuleuse primitive dans un équilibre parfait, un repos absolu de toutes ses parties, on ne sait plus comment en faire sortir le mouvement et l’évolution des choses : on ne comprend pas que tout ne soit pas resté éternellement dans le même état. D’ailleurs la diffusion de la matière gazeuse échappe à tous les efforts que l’on fait pour la concevoir autrement que sous la forme d’un processus dynamique. Il faudrait donc pouvoir déterminer, dans la phase de ce processus, que l’on choisirait pour point de départ de l’explication, l’éloignement, la position, la configuration des parties, les rapports des forces qui entrent en conflit, les relations des parties et du tout. Il faudrait encore nous assurer que nos connaissances sur l’état présent de l’univers autorisent rigoureusement toutes nos suppositions. Or aucune de ces conditions n’est remplie dans l’hypothèse de Laplace : « Tout y demeure vague, et s’y réduit à l’idée d’une diffusion primitive, dont on ne sait pas déterminer avec quelque exactitude les conditions » (86). — Si la théorie récente de la chaleur n’était pas encore à l’état d’essai vers une théorie définitive, la cosmologie pourrait en espérer quelque lumière sur le passé de la matière, et sur son état primitif. Mais la théorie de Robert Mayer se réduit encore à la démonstration de l’équivalence mécanique entre le travail et la chaleur. L’explication de