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ch. bénard. — l’esthétique de max schasler

semble et d’accorder dans cette étroite union, les deux grands systèmes qui se produisent à toutes les époques de la philosophie : l’idéalisme et le réalisme. On a vu comment il prétend y parvenir. L’idéalisme hégélien chez lui prédomine et en réalité ne cède aucun de ses droits. Il pose son principe : l’idée et sa méthode, la dialectique de l’idée comme représentant la marche des choses, le mouvement interne de la pensée universelle. Il fait bien une concession sur l’infaillibilité de ce procédé, suivi par ses prédécesseurs ; mais il le maintient. Il lui cherche seulement un correctif, un contre-poids, et une garantie dans l’expérience ; celle-ci doit partout accompagner la pensée, l’acte essentiel et vital de la raison dans toutes ses démarches. Ce procédé, qui s’unit à l’autre et le pénètre, doit, il est vrai, être pénétré par lui, mais il garde la supériorité, il le régularise et le dépasse. Lui seul, arrivé à son plus haut degré, constitue la science et la spéculation philosophique. Sans cela, pas de science, pas de système, un empirisme étroit, incapable de résoudre aucun problème ni de systématiser ses propres résultats. Cette méthode, elle est suivie d’un bout à l’autre de cette histoire. Elle en marque tous les pas, tous les degrés. Elle en trace d’avance le cadre général, elle l’assujettit à toutes les époques à une marche régulière ; elle enchaîne et systématise les doctrines. C’est ainsi qu’elle croit arriver à donner la genèse de la pensée esthétique ou à retracer son évolution.

C’est donc l’idéalisme qui,après avoir doté cette science de ses principaux systèmes, reparaît, dans son histoire, et lui construit un dernier monument.

Mais tout en constatant ce résultat, dans le travail considérable que nous avons essayé dé faire connaître et d’apprécier, on aurait tort de fermer les yeux sur les graves concessions que cet idéalisme y fait au réalisme, et cela non-seulement en théorie mais en pratique, sur les conditions auxquelles lui-même se soumet et auxquelles il s’efforce de satisfaire. C’est ce qui n’apparaît pas moins dans tout le cours de cette œuvre conçue et exécutée selon l’esprit et avec la méthode de l’école hégélienne. D’abord l’auteur y signale lui-même les vices de l’idéal abstrait et de la méthode à priori. Il veut que partout et toujours l’expérience soit avant tout consultée, qu’elle fournisse la matière sinon la forme de la science. Les matériaux doivent être soigneusement recueillis, étudiés, analyses, raisonnés, avant que la spéculation commence son œuvre. Elle-même doit se tenir aussi près que possible des faits, ne jamais les altérer ni les contredire. Il veut que l’esthéticien digne de ce nom soit amplement informé des choses de l’art, qu’il ne s’aventure pas dans la théorie