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en réalité, ni représentation, ni schéma; il n’y a que des mots et des notations, comme dans l’algèbre ordinaire.

A la vérité, on a tout récemment[1] essayé de constituer une représentation géométrique pour les termes du nouveau langage; comme il pourrait en résulter quelque illusion au point de vue métaphysique, j’en dirai un mot.

On sait que la géométrie descriptive, par exemple, parvient, au moyen de certaines conventions , à représenter sur un plan tout point de l'espace; il est certainement possible, en faisant d’autres conventions analogues , de représenter également sur un plan, le qualecunque défini par autant de quanta que l’on voudra, ou, en d’autres termes, le point de l’espace à n dimensions. Mais en géométrie descriptive, en raisonnant géométriquement sur les lignes du tableau, si je puis arriver à démontrer quoi que ce soit relatif aux lignes de l’espace représentées, c’est que je suis soutenu par une intuition; je vois, comme on dit, ces lignes dans l’espace; autrement je ne pourrais sortir du tableau et ma démonstration ne porterait que sur la figure qui y est tracée. Or, au-delà de trois dimensions, aucune intuition n’est possible; dans ce que j’appelle représentation de l’espace à n dimensions, je pourrai donc, tout au plus, arriver à trouver certaines règles de construction géométrique représentant certaines opérations algébriques; mais si j’arrive à quelque démonstration en substituant les constructions aux opérations correspondantes, je n’aurai rien fait que démontrer une propriété de figures planes correspondant, sous certaines conventions, à certains théorèmes d’algèbre, et il est indubitable que cette propriété, d’une part, ce théorème de l’autre, auraient pu être obtenus, sans parler d’espace à n dimensions, ni de rien de semblable, et peut-être par des moyens plus directs et plus simples.

Ainsi, quelque convention qui soit faite, nous devons nous garder de toute illusion sur l’impossibilité d’imaginer un espace à n dimensions, et nous avons assez vu que la géométrie ainsi dénommée n’a rien d’imaginaire en aucun sens. Mais ici nous devons, avant tout, faire observer qu’en mathématiques, ce terme « imaginaire » a une signification toute spéciale, parfaitement précise, dont il ne devrait, en aucun cas, être permis de le détourner.

On sait que ce terme s’applique aux expressions algébriques dans

  1. M. Spottiswoode. Comptes-rendus de l’Académie des sciences. 1875. Tome LXXXI, pp. 875 et 961. Dans le même tome, on mentionne (p. 1262) une note de M. L. Hugo sur la Géométrie panimaginaire. Il s’agit là de m n dimensions ! {Bulletin de la Société Mathématique de France. Tome IV, p. 132.)