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E. de Hartmann. — schopenhauer et frauenstaedt

l’intensité de l’action, la volonté universelle n’est certainement pas entière dans chaque phénomène, mais elle l’est par rapport à son être ou à son essence parce que celle-ci est dans son unité absolument indivisible le devenir dans toute existence. Sur ce point encore Schopenhauer continue d’avoir raison contre Frauenstaedt. D’un autre côté, celui-ci a négligé la rectification d’un autre point qui a grand besoin d’être corrigé, je veux dire le monde abstrus (abstruse) des idées de Platon avant et au-dessus de la réalité.

En effet, Schopenhauer place le monde des Idées, comme chaînon intermédiaire, entre la volonté : en tant qu’être du monde et le monde phénoménal, et veut le faire dériver de la volonté, comme il fait dériver de lui le monde phénoménal ; mais Frauenstaedt semble disposé à remplacer cette triade par sa triade tout à fait différente de l’être (volonté plus idée), du monde phénoménal objectif ou sphère de l’individuation réelle et du monde phénoménal subjectif de la conscience, comme si ces deux triades étaient tout à fait équivalentes. Mais pour être exact, il serait obligé alors de faire dériver successivement quatre sphères l’une de l’autre : 1) la volonté, 2) le monde des Idées, 3) le monde phénoménal objectif des objets réels ou individus, et 4) les mondes phénoménaux subjectifs des nombreuses consciences idéales. En outre, il faut que, de son point de vue, il fasse deux concessions : la première, c’est que l’objet, en tant que phénomène objectif, ne peut pas procéder de l’idée seule, c’est-à-dire de la simple représentation, mais seulement de l’idée plus la force et la volonté, c’est-à-dire que la sphère des réalités individuelles peut seulement naître de la coopération simultanée des deux, premières sphères (de la volonté et du monde des idées) ; la seconde, c’est que le vouloir tout simple, c’est-à-dire sans un contenu idéal ou sans une idée absolue, ne serait nullement en état de se manifester par dés actes volontaires concrets avec un contenu idéal, c’est-à-dire par des idées partielles, ou, en d’autres termes, que la combinaison des volontés individuelles avec des buts particuliers est impossible sans la combinaison de la volonté universelle avec un but universel, et que, par conséquent, l’objectivation en idées de la volonté primordiale sans finalité et sans contenu est. une impossibilité, quoique Schopenhauer ait prétendu le contraire.

Mais de cette façon on enlève au monde des idées la position que lui accorde Schopenhauer, de chaînon intermédiaire indépendant entre la volonté et le monde des phénomènes ; on reconnaît que les idées partielles peuvent seulement dériver de l’idée générale, comme les volontés individuelles de la volonté universelle, et on conçoit le phénomène objectif comme un produit direct des deux facteurs. Il