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Ainsi, par chaque point d’un plan, on peut mener à toute droite de ce plan deux parallèles, une pour chaque côté de la droite ; la position de chaque parallèle sera déterminée par l’angle plus petit qu’un droit qu’elle fait avec la perpendiculaire abaissée du point donné sur la droite donnée. Cet angle GAD, appelé angle de parallélisme, dépend de la distance AD ou a. Il tend vers l’angle droit lorsque a tend vers zéro, il tend vers zéro quand a augmente indéfiniment.

Voilà le point de départ de cette nouvelle géométrie. Remarquons tout d’abord que les inventeurs n’ont nullement été poussés par des considérations philosophiques. Leur œuvre est purement mathématique ; il s’agissait de combler une lacune dans la chaîne des raisonnements qui constitue la géométrie.

Il est impossible de restituer aujourd’hui, telle qu’Euclide a pu l’écrire, la partie des éléments qui précède sa première proposition. Dans les meilleurs manuscrits, on trouve d’abord :

1o Trente-cinq définitions (ὅροι), dont les unes sont nominales, les autres réelles[1]. Ces dernières ne servent pas comme prémisses dans les théorèmes, mais déterminent simplement l’intuition géométrique, affirmant sans déduction. Si l’on voulait supprimer absolument cette intuition et réduire la géométrie à une déduction purement abstraite, il faudrait substituer à ces définitions ou leur adjoindre des affirmations synthétiques, posées à priori, indémontrables, qu’Euclide eût certainement, avec son maître Platon[2], qualifiées d’hypothèses.

2o Viennent en second lieu trois αἰτήματα, postulata. Ce dernier mot n’a pas précisément le sens qu’on lui donne aujourd’hui. Il s’agit des trois constructions élémentaires desquelles dépendent toutes celles qu’on apprend à faire dans la géométrie d’Euclide.

3o Enfin douze notions communes (ϰοιναὶ ἔννοιαι), dont les sept premières sont des propositions applicables à la grandeur abstraite, les deux suivantes sont ou reviennent à des définitions nominales ; les trois dernières ont été, probablement longtemps après Euclide, tirées du corps des éléments, où on a remarqué qu’elles figuraient comme prémisses non démontrées. Le n° X : — Tous les angles droits sont égaux entre eux, — est un théorème parfaitement démontrable, qui

  1. Nominales, comme celles du rhombe (losange) et du trapèze ; réelles comme celles de la ligne et du plan. Ce langage n’est pas parfaitement rigoureux. Voir : Des définitions géométriques et des définitions empiriques, par Louis Liard. Paris. Ladrange, 1873.

    Un bon nombre de ces diverses définitions ne sont certainement pas d’Euclide.

  2. République de Platon, livre VI, à la fin.