Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, II.djvu/460

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
450
revue philosophique

les mathématiques ont été introduites ; la géométrie ne s’en distingue que par le degré d’abstraction.

En tout cas, l’expérience joue son rôle dans toute science exacte ; c’est elle qui fournit la matière que l’esprit s’assimile avant de formuler ses axiomes ou ses hypothèses.

Qu’on ne nous accuse pas maintenant, du faisceau des principes fondamentaux de la géométrie, de vouloir rejeter l’un, conserver les autres. Depuis Lobatchewsky, l’on a marché. Nous ne prétendons rien rejeter ; nous voulons essayer de débrouiller l’écheveau et de reconnaître la part de chaque principe dans la série des conséquences. Il nous faut, pour cela, arriver à supprimer complètement le rôle de l’intuition géométrique, et tout reconstruire par pure déduction logique à partir des premiers principes ; il nous faut aussi avoir le droit de faire abstraction de tel de ces principes que nous voudrons et même de le remplacer par un autre différent ou plus général, afin d’examiner les conséquences. Nous disloquerons ainsi la géométrie actuelle, mais nous relierons toujours les parties séparées par des constructions que l’on pourra trouver artificielles ou parasites, qui n’en auront pas moins, sinon immédiatement, au moins un jour, leur utilité. On peut évidemment — question de méthode — mettre en doute l’utilité pratique du travail que nous préconisons. Mais nous sommes prêts à accepter la discussion sur ce terrain ; il nous suffit de rappeler Beltrami retrouvant la théorie d’une surface de l’ancienne géométrie déjà toute faite dans la théorie du plan de Lobatchewsky.

Nous aurions à répondre à d’autres questions ; si nous considérons la notion de l’espace comme un complexe formé de certains concepts tirés de l’expérience, mais auxquels nous nous attribuons le droit de donner subjectivement des formes différentes, il n’en paraît pas moins certain que de tous les complexes de la sorte, formés logiquement avec les concepts modifiés de toutes les manières possibles, il n’y en a jamais qu’un seul qui puisse s’appliquer à l’objet. N’y a-t-il pas dès lors un critérium absolu qui doive nous permettre de le discerner ? N’y a-t-il pas un pourquoi en raison duquel ce complexe objectivable soit tel plutôt que tel autre ?

Sur le premier point, nous croyons dès maintenant pouvoir répondre négativement. Dès que nous voulons objectiver, nous n’avons plus qu’un critérium, F expérience, qui ne peut fournir de certitude absolue, à aucun degré d’abstraction que ce soit. Pratiquement, il n’est pas douteux que la notion euclidienne ne sera jamais contredite par notre expérience. Mais nous avons toujours le droit de maintenir contre la formule de Kant qu’il n’y a aucune nécessité