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Cause. » (1864). Les lettres qu’il vient de faire paraître ont pour but, non d’établir un nouveau système ou d’examiner toutes les hypothèses soutenues auparavant en Angleterre, en France et en Allemagne. — mais de discuter particulièrement les idées de M. Mill et d’en montrer les points faibles. Nous avons vu en France plusieurs tentatives de ce genre, et quelques-unes fort remarquables : je citerai seulement la discussion par laquelle s’ouvre la thèse de M. Lachelier sur l’Induction et où l’auteur, sans prétendre d’ailleurs au mérite de la nouveauté des idées, a résumé, avec autant de force que de précision, les principales objections que l’on peut faire à l’associationnisme.

M. Hazard ne semble pas avoir eu connaissance de ces travaux antérieurs aux siens : non-seulement il ne les mentionne nulle part mais il s’exprime partout comme s’il était le premier à entreprendre cette discussion, jetant pêle-mêle les arguments les plus anciens et ceux qui lui appartiennent en propre. D’une manière générale, la jeune philosophie américaine ne se pique guère d’érudition : M. Hazard reprend pour son compte personnel les théories de Maine de Biran sur la volonté et l’effort musculaire, les analyses de Jouffroy sur la nature des motifs, et pourtant il ne nomme pas une fois Maine de Biran et Jouffroy, il paraît n’avoir pas conscience des emprunts qu’il leur fait. S’il cite et examine les idées de Hamilton et d’A. Comte, c’est que ces deux auteurs ont été particulièrement critiqués par St. Mill, et c’est à travers les ouvrages de ce dernier, que M. Hazard les a vus et étudiés.

Cette absence d’érudition n’a pas été sans inconvénients, mais aussi grâce à elle, M. Hazard a évité le scepticisme que la science trop vaste amène quelquefois, et le découragement produit par la vue des œuvres excellentes qui semblent avoir épuisé les sujets qu’elles traitent. Il a donc conservé une foi juvénile dans ses idées et il les a exposées avec une richesse de développements où ne manquent pas les vues originales.

La première lettre est consacrée à la causalité. Selon M. Hazard, nous devons les notions de Cause et de Force à la connaissance innée (angeborene Kentniss) de l’effort et de l’effet qui en résulte ; mais nous ne pouvons saisir que par l’expérience notre capacité de causer tel ou tel effet particulier. Il est difficile de préciser ce que M. Hazard entend par cette connaissance innée de l’effort : si c’est une notion particulière, elle est due à l’expérience ; si c’est une idée abstraite, elle ne peut être formée que postérieurement à l’expérience : il n’y a donc rien d’inné que l’activité instinctive elle-même, dont chaque acte est perçu par le Moi.

L’effort, dit plus loin M. Hazard, se fait toujours pour amener une connaissance ou mettre les muscles en mouvement. C’est à la perception de cet effort que nous devons la notion de notre propre causalité. En partant de ces observations, M. Hazard arrive directement à la critique de M. Mill ; il lui reproche avec raison de n’avoir établi aucune différence entre les causes et les simples conditions passives des faits ;