Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, II.djvu/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
50
revue philosophique

recherche est provoquée par l’observation ; le raisonnement intervient dans l’explication ; mais le principe de l’explication doit toujours être supposé. Je remarque, de ma fenêtre, l’arbre d’une promenade publique couché sur le sol, et sa disposition est telle que je ne vois que sa partie supérieure. Pourquoi cet arbre est-il abattu ? A-t-il été brisé par l’orage ? A-t-il été coupé par ordre de l’administration ? De la place où je me trouve, l’observation est impuissante à résoudre la question ; le raisonnement est impuissant aussi. Il me faut supposer une cause, et, cette cause ayant été supposée, je puis vérifier mon hypothèse en me rendant sur les lieux et en prenant des renseignements. Nous avons ici, dans un exemple simple, trois opérations de la pensée qui se retrouvent dans la solution de toute question scientifique : observer — supposer — vérifier.

Les actes intellectuels sont les mêmes, soit qu’il s’agisse de découvertes théoriques, soit qu’il s’agisse de découvertes pratiques. Prenons pour exemple, dans l’ordre pratique, la greffe chirurgicale à laquelle le docteur Reverdin a attaché son nom. On a remarqué la manière dont l’épiderme se reforme sur une plaie, et le rôle que jouent les îlots de peau qui se trouvent parfois sur la place dénudée ; c’est l’observation. On a soupçonné qu’un fragment d’épiderme artificiellement placé sur une plaie y reprendrait vie et activerait la guérison ; c’est la supposition. On a fait l’expérience, et, dans des conditions que la pratique a révélées, l’expérience a réussi ; c’est la vérification.

Les brèves considérations qui précèdent établissent que la méthode renferme ces trois éléments qui vont fixer successivement notre attention : l’observation, la vérification et la supposition.

L’observation est le résultat de l’activité volontaire de l’esprit, c’est-à-dire de l’attention accordée aux phénomènes perçus. Dans l’observation l’esprit ne crée rien, il constate. Il est passif quant à l’objet de sa pensée, mais il déploie sa propre activité pour percevoir cet objet. Cette activité est nécessaire pour que les impressions sensibles deviennent des éléments de science. Pour observer il ne suffit pas de voir, il faut regarder : il ne suffit pas d’entendre, il faut écouter.

Dès que l’observation revêt un caractère scientifique, elle est inséparable de l’induction. L’induction proprement scientifique, qui se distingue d’une simple analogie, est le procédé de la pensée qui étudie dans un cas particulier un phénomène conçu comme général. Si les affirmations légitimes du chimiste ne pouvaient porter que sur une seule molécule de souffre, d’oxygène ou de carbone, il n’y aurait pas de chimie. Si l’on ne pouvait affirmer la succession d’un