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ribot. — psychologie ethnographique en allemagne

crits, et préparer une édition critique de l'Organon d’Aristote, qui parut en 1844. Il s’établit, à son retour, comme privat-docent à l’Université de Marburg, qu’il ne quitta plus. C’est là qu’il se lia d’une amitié intime avec Ludwig, maintenant professeur à l’Université de Vienne, et l’un des plus grands physiologistes de l’Allemagne. Les deux amis travaillèrent activement à leur instruction réciproque : Waitz enseigna à Ludwig les mathématiques, et Ludwig apprit à Waitz la physiologie et l’anatomie. C’est alors que Waitz publia son Manuel de psychologie comme science naturelle[1], livre dont le style et le mode d’exposition ont un caractère remarquable de clarté et de précision. Ce qui n’est pas moins digne d’être noté, c’est une certaine couleur physiologique bien rare dans l’école de Herbart, surtout à cette époque. Waitz rapporte des expériences, discute et interprète de petits faits d’optique et d’acoustique : le tout nous paraîtrait un peu maigre aujourd’hui ; mais il faut, pour être impartial, se reporter de trente ans en arrière. D’ailleurs, il ne faudrait pas croire que, infidèle à la doctrine de son maître, il se propose d’exclure de la psychologie toute métaphysique[2] : il se proposait, au contraire, de réconcilier, par l’intermédiaire de Herbart, les deux partis alors en présence : l’un qui ne voit, dans les phénomènes physiques, que des formes du corps (le matérialisme de Feuerbach), l’autre qui ramène tout à l’esprit (l’idéalisme de Hegel).

Dix ans après la publication de ce traité de psychologie, Waitz fit paraître (1859) le premier volume de son grand ouvrage : Anthropologie des peuples à l’état de nature[3], qu’il a laissé inachevé, et qui, quoique dépassé aujourd’hui, n’en reste pas moins un monument.

Comment Waitz passa-t-il de la psychologie abstraite à la psychologie ethnographique ? Déjà dans son Manuel, il s’inquiète à plusieurs reprises, du Naturmensch, et en particulier, de la façon dont il se représente le monde extérieur, il semble entrevoir l’importance de ces recherches concrètes ; mais, nous savons, par le témoignage de Georges Gerland, son disciple, qu’il y fut amené directement par l’étude des religions. Waitz « désirait vivement unir ces deux pôles de la vie spirituelle : les sciences naturelles et la foi religieuse. » Il se proposait d’écrire une philosophie des religions. En vue de cetAnthropologie der Naiurvölker, Leipzig, tome I (1859, tome II, 1860, tome III, 1862, tome IV, 1864, tome V et VI, 1865 à 1872. Ces deux derniers ont été faits ou complétés par George Gerland.

  1. Lehrbuch der Psychologie als Naturwissenschaft, 1849, Brunswick. Ce livre est la forme définitive du Grundlegung der Psychologie, publié en 1846. (Hamburg et Gotha.)
  2. Son livre contient quatre divisions principales : 1º Nature de l’âme et lois générales de la pensée ; 2º les sensations ; 3º les sentiments ; 4º l’intelligence.
  3. Anthropologie der Naiurvölker, Leipzig, tome I (1859, tome II, 1860, tome III, 1862, tome IV, 1864, tome V et VI, 1865 à 1872. Ces deux derniers ont été faits ou complétés par George Gerland.