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ribot. — psychologie de herbart

agira puissamment pour elle seule et n’éveillera que les idées qui peuvent entrer en combinaison avec elle sans lui faire obstacle. »

Ainsi, partout dans la psychologie de Herbart, nous ne trouvons que des représentations. Pour lui, ce fait unique explique tous les détails de la vie mentale. Il en explique aussi l’unité. Le moi, ou si l’on préfère une autre expression, la conscience n’est pas, en effet, pour Herbart une chose à part. Tandis que les psychologues antérieurs soutenaient que, pour qu’une représentation soit possible, il faut et il suffit que la conscience s’y applique, pour Herbart et son école, au contraire, la conscience n’est que la somme des représentations actuelles. Bref, elle est un effet et non une cause, un résultat et non un fait primitif. De même qu’une chose ou un objet est le point où différentes séries d’images se rencontrent, de même le moi est le point où toutes nos séries de représentations se rencontrent ; et la représentation du moi, ou la conscience individuelle, ne se produit que parce que nous différencions ce point des séries particulières qui s’y coupent.

IV

Nous ne pouvons tenter ici une critique complète de la psychologie de Herbart. Une pareille étude supposerait un examen approfondi des détails et elle ne pourrait être faite que par un homme également versé dans la psychologie et les mathématiques. Nous essaierons seulement de montrer en quoi consiste l’originalité de sa tentative, quelle conception nouvelle a été introduite par lui dans la psychologie et quel mouvement en est sorti.

Même à première vue, son originalité est frappante. La méthode de Herbart n’est ni la méthode analytique de Locke, de Condillac et de l’école idéologique issue d’eux ; ni la méthode descriptive de l’école Écossaise ; ni la méthode physiologique qui, entrevue par Hartley, ne s’est développée que de nos jours. Conformément à son titre, il appuie la psychologie sur une triple base : accordant très-peu à l’expérience, davantage à la métaphysique, presque tout aux mathématiques. Sa méthode est donc mathématique.

Nul avant lui ne l’avait essayée, et il est assez surprenant qu’un disciple de Kant l’ait inaugurée le premier. Kant, en effet, se plaisait à répéter « que la psychologie ne pourra jamais s’élever au rang d’une science naturelle exacte ; » et il appuyait cette assertion sur deux raisons principales :

1° Les mathématiques ne sont pas applicables aux phénomènes