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ANALYSESmichaut. — De l’Imagination.

N. Michaut. De l’imagination, étude psychologique. (Paris, Germer, Baillière et Cie, 1876, 1 vol. in-8º)

Un des plus grands obstacles aux progrès de la psychologie est la mauvaise notation dont cette science est embarrassée : elle se sert constamment d’expressions ambiguës, à signification vague et complexe, que les philosophes ont empruntées au langage vulgaire sans les définir d’une manière précise. Il n’est point de terme dont on ait plus abusé que de ce mot : l’Imagination ; on lui a donné tour à tour les sens les plus restreints et les plus vastes. On a fait de l’Imagination tantôt la simple faculté de concevoir les objets matériels en leur absence, tantôt le pouvoir d’inventer, tantôt celui de représenter l’idéal sous des formes concrètes. La plupart des philosophes sont restés indécis et ont accepté toutes ces interprétations à la fois au grand détriment de l’exactitude psychologique. — M. Michaut n’a fait que suivre les vieux errements : on ne sait pas après avoir lu son livre ce qu’il faut entendre au juste par l’Imagination. Un autre défaut s’est ajouté à cette absence de définition pour augmenter encore la confusion qui dépare tout l’ouvrage. Par un travers fort commun chez les auteurs des monographies, M. Michaut a démesurément grossi l’importance de l’objet de ses recherches. À force d’étudier l’Imagination, il lui a attribué une part tout à fait disproportionnée dans notre activité intellectuelle, reléguant les autres facultés au second plan. Il a vu tout dans l’Imagination. M. Michaut commence par analyser et distinguer la sensation, la perception et l’image. Il appelle perception cet ensemble d’idées que nous groupons autour d’une sensation qui en est le centre. Pour les sens, un oiseau planant dans les airs n’est qu’une tache noire sur un fond bleu, le reste est la part de l’intelligence. Cette analyse est exacte mais elle ne permet pas d’opposer, comme le fait M. Michaut, la perception à l’image. Elle prouve au contraire que l’Imagination joue un grand rôle, même dans la perception des sens : je vois un point noir volant, j’associe à cette aperception directe de quelque chose qui vole toutes les images qui la complètent et qui en font l’idée d’oiseau : c’est que la représentation des sensations passées, la production des images, se fait tantôt en présence d’une sensation, tantôt sans cette présence : mais il n’y a point de différence de nature entre la perception telle que la définit M. Michaut et l’image. L’auteur a donc tort de s’étonner des nombreuses ressemblances entre ces deux phénomènes, qui n’en sont qu’un.

Cherchant à déterminer les conditions physiologiques de l’image, il constate que les organes des sensations sont distincts de l’organe des perceptions et des images, mais que les perceptions et les images ont au contraire le même organe, que les images produisent sur l’encéphale et les nerfs des réactions analogues à celles produites par les perceptions. Tout cela n’a rien que de très-naturel, étant donnée la véritable nature de la perception. L’Image a tant de rapport avec la perception qu’elle arrive même quelquefois à faire naître la sensation primordiale autour