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e. de hartmann. — un disciple de schopenhauer.

Bahnsen est seulement arrivé à sa méprise, parce qu’il est parti de ce point de vue qu’en général il ne faut attribuer de la valeur au logique que dans la sphère subjective, où il se présente en tout cas principalement sous la forme discursive et abstraite, mais comme il a été obligé lui-même d’élargir cette vue étroite en admettant une raison universelle objective, qui se manifeste par des lois logiques interindividuelles, il faut qu’il renonce aussi à la fausse conséquence de sa première opinion. Le réel est le concret absolu, et en tant qu’on trouve de la raison dans le réel, il faut qu’elle y subsiste sous une forme concrète ; le logique abstrait provient seulement de ce que la pensée discursive débarrasse des restes individuels les formes de l’existence communes à un grand nombre de substances concrètes et constate leur homogénéité dans la pluralité du concret. Les catégories logiques sont donc réellement dans les choses, nullement à l’état abstrait, mais à l’état d’individualités concrètes, c’est-à-dire considérées du côté de l’idéalité du contenu du réel : d’une manière intuitive. Si les catégories ou formes logiques n’étaient pas réellement contenues dans les choses existantes, la pensée ne pourrait pas les en extraire par l’abstraction ; s’il n’y avait en général de formes logiques que pour l’abstraction, pour la pensée discursive, il serait prouvé par là qu’elles sont uniquement des additions purement subjectives de la pensée aux choses, que Kant avait par conséquent raison, en soutenant le caractère exclusif de l’origine subjective. Mais si on faisait cette concession pour les formes de la pensée, il faudrait à plus forte raison la faire pour les formes de la perception ; c’est-à-dire Bahnsen, en résistant à la réalité des formes logiques, retomberait entièrement dans l’idéalisme subjectif qu’il a rejeté.

Si l’intuition inconsciente doit être concrète, il faut qu’elle soit déterminée dans tous ses éléments, et déterminée d’une manière différente à chaque moment du processus. Mais le déterminant ne peut être que le logique qui, quoiqu’en lui-même simple principe formel, devient cependant déterminant pour le contenu de l’idée, parce qu’il est appliqué à l’illogique[1]. Les degrés du développement

  1. Aucun philosophe, si ce n’est un strict hégélien, ne contestera le principe de Bahnsen « que les buts et les motifs, conscients ou inconscients, ne peuvent pas même être considérés comme une « possibilité » en dehors de la volonté ; Bahnsen se trompe seulement en ne reconnaissant pas qu’ils peuvent tout aussi peu être considérés comme une possibilité en dehors de l’idée logique. Le but est une catégorie logique, préformée dans le logique par rapport à l’éventualité de l’apparition de l’illogique. Elle reste à l’état de simple « possibilité, » aussi longtemps que cette éventualité reste à l’état de simple possibilité ; elle deviendrait seulement impossible s’il était prouvé que cette éventualité fût impossible.