Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, III.djvu/233

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
223
PÉRIODIQUES. — Vierteljahrsschrift.

tion : qu’y a-t-il au-delà des limites admises ? Mais les propriétés de la matière ne sont connues que par l’expérience. Notre pensée ne répugne nullement à la concevoir comme limitée, si les données de l’expérience et du calcul l’exigent. — Or, toutes les difficultés contre lesquelles nous avons vu précédemment que l’hypothèse de l’infinité de l’étendue cosmique venait se heurter, s’évanouissent aussitôt qu’on admet que la masse de la matière est finie. « Il suffit de supposer que, dans l’espace infini, la densité de la matière va diminuant indéfiniment à partir d’un point déterminé. Un tel univers possède un centre unique de gravité, qui doit être considéré comme le point du repos absolu, auquel tous les mouvements se rapportent. Toutes les actions mécaniques peuvent être, par suite de la quantité finie de la masse, ramenées à des mesures finies. Il n’y a plus de pression infinie, etc. » Nous tenons donc enfin la seule solution acceptable du problème cosmologique : le monde est infini dans le temps et dans l’espace, mais fini dans sa masse. L’Histoire du ciel de Kant contient d’ailleurs le germe de cette solution.

III. Les antinomies dans le concept du tout cosmique.

Les antinomies ont leur source dans l’opposition que la pensée naïve croit trouver entre les concepts du fini et de l’infini, lorsqu’elle se laisse aller à regarder le temps et l’espace et par suite le monde comme des infinis réels, ou lorsqu’elle prête au monde les bornes que rencontre partout la perception sensible. La contradiction se produit, à vrai dire, entre les exigences de l’entendement et les données de l’expérience. Voici sous quelle forme les antinomies se présenteraient au regard de la science actuelle.

1re Thèse : Le monde est fini dans le temps. Si le temps n’avait pas commencé, il aurait depuis longtemps atteint l’état final auquel il tend. Le maximum de l’Entropie, et par suite l’état absolument stable de l’univers seraient réalisés. — Antithèse : Le monde est infini dans le temps. Un monde fini aurait un commencement et une fin, en dehors desquels nous ne trouverions plus qu’une durée absolument vide, ce qui est impossible. D’ailleurs, une telle hypothèse contredirait le principe de causalité.

2e Thèse : Le monde est fini dans l’espace. Car, dans un espace infini, il n’y aurait plus de point central et fixe, auquel rapporter les autres points pour en déterminer la position. Les concepts mécaniques du mouvement et de la vitesse relative ne s’appliquent d’ailleurs qu’à une étendue finie. — 2e Antithèse : Le monde est infini dans l’espace. Car un monde fini supposerait autour de lui l’existence d’un espace vide, qui devrait pourtant faire partie du monde, puisque le monde est pour nous l’ensemble de toute réalité. D’ailleurs, dans cet espace vide infini, la masse de la matière se serait dispersée et évanouie de toute éternité.

3e Thèse : Le monde est fini dans sa masse. Dans une masse infinie, on ne saurait trouver de centre de gravité. Les forces respectives, dont les diverses parties de cette masse seraient douées, auraient partout