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bouillier. — de la règle des mœurs.

être érigée en règle de conduite. En procédant comme nous venons de le faire nous croyons avoir corrigé ce défaut et avoir donné au principe de la perfection ce caractère de précision qui, selon ces philosophes, lui manquait.

Si nous n’avions pas l’intention de nous borner à indiquer le principe et la méthode, si nous voulions en suivre les applications et entrer dans les détails, nous nous guiderions volontiers d’après Cicéron et les Offices, sans recourir aux modernes, dont la méthode n’a pas eu toujours autant de sûreté et d’exactitude. On ne saurait trop appeler l’attention sur ce remarquable passage du début des Offices où Cicéron esquisse à grands traits les principaux caractères qui élèvent l’homme au-dessus de la bête, qui font sa dignité et son excellence. L’homme est doué, dit-il, d’une intelligence par laquelle il prévoit et se souvient, par laquelle il embrasse le passé et l’avenir. À lui seul appartient en propre l’amour et la recherche de la vérité, l’amour de l’ordre, de la convenance et du beau. Enfin il est fait pour la société et pour la famille, et il a dans le cœur l’amour de ses semblables. Tels sont les traits essentiels du tableau abrégé que trace Cicéron de ce qui dans l’homme est véritablement humain. C’est de là qu’il tire, par une méthode qui, selon nous, est la seule vraie, la définition de l’honnête, la division des quatre vertus fondamentales qui correspondent à ces divers éléments de notre nature propre ; c’est de là enfin qu’il déduit tous les devoirs de l’homme.

Quant aux autres penchants, communs aux hommes et aux animaux, ils ont sans doute nécessairement leur place, et leur indispensable rôle dans la vie organique et animale. Assurément l’homme ne vivrait pas sans boire et sans manger. Mais boire et manger ne sont pas néanmoins des traits caractéristiques de l’homme ; ils ne font pas partie de cet idéal de perfection, de cette excellence, de cette dignité, qu’il doit travailler à réaliser et à conserver en lui. C’est ainsi qu’il faut, avec Cicéron, corriger Jouffroy, et restreindre aux tendances et aux facultés exclusivement humaines, ce que l’auteur du Droit naturel a dit de la nature, de la fin et du bien de l’homme, ainsi que ce grand devoir de perfectionnement qu’il semble appliquer indistinctement à tout ce qui est en nous.

Mais comment maintenir en soi cette prépondérance des hautes tendances et des facultés particulières de l’homme ? Comment contenir, refouler les tendances d’ordre inférieur qui sont communes à l’homme et à l’animal, si ce n’est par le bon usage de notre liberté ? La liberté sans doute est la condition de tout perfectionnement, de tout effort vers notre idéal. Mais la formation, le développement, de la personnalité ou de la liberté, prise à part, indépendamment de