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288 REVUE PHILOSOPHIQUE

recliligne, et construire deux angles droits, sont de même deux opé- rations équivalentes. Trouvons-nous de même dans les propositions proprement dites, à ne considérer en elles que la dénotation des termes, deux groupes distincts d'objets que nous puissions déclarer égaux ou équivalents ? Soit d'abord une de celles que M. Jevons appelle identités simples : La reine d'Angleterre = la reine de l'Inde. C'est une proposition singulière; le sujet et par suite le prédicat ne dénotent chacun qu'un seul individu ; elle reviendrait donc, énoncée en symboles numériques, à l'équation 1=1. Mais nous ne pouvons légitimement l'exprimer sous cette forme. En effet la seule personne dénotée par le sujet et le prédicat est la même personne. Nous avons donc affaire, non pas à deux unités distinctes que nous puissions mettre en équation l'une en face de l'autre, mais à un seul et même objet. Il n'en est pas autrement dans les pro- positions générales. Soit : les mammifères sont vertébrés, ce que M. Jevons traduit : les mammifères = les vertébrés qui sont mam- mifères, ou A = A B. Le sujet dénote un nombre indéterminé d'ob- jets ; le prédicat incorporé au sujet dénote un nombre égal d'objets. Mais ici, comme plus haut, les objets dénotés par chaque membre de l'équation prétendue, ne forment pas deux groupes distincts que l'on puisse mettre en présence. Isolés l'un de l'autre, les groupes vertébré et mammifère sont inégaux et ne peuvent numériquement coïncider. Mais lorsque le terme vertébré est affirmé de mammifère, il perd en quelque sorte sa fonction dénotante, pour ne conserver que sa fonction connotante ; ou, ce qui revient au même, il ne dénote plus que par l'intermédiaire du sujet avec lequel il fait corps. Par conséquent, dans la proposition : les mammifères sont vertébrés, nous n'avons affaire qu'à un seul groupe d'individus, et non pas à deux groupes d'individus à la fois distincts et équivalents. D'où il suit que, même en ne considérant dans une proposition que la quantité des termes, il est vain et illégitime de les unir par la copule = ; consi- dérés en leur extension, ils cessent d'être deux, et ne font qu'un.

Mais n'en fût-il pas ainsi, l'équation serait loin d'exprimer le sens véritable de la proposition. Quand nous Uons un prédicat à un sujet, ce qui fait le sens de la propostiion, ce n'est pas l'assertion tacite que l'un et l'autre dénotent les mêmes individus, mais l'assertion explicite que les qualités connotées par le prédicat coexistent dans les individus dénotés par le sujet, avec les qualités connotées par celui-ci. Il s'agit donc de savoir si, au point de vue de la connota- tion, il peut y avoir identité, égalité ou équivalence de sujet et de prédicat. Considérons les identités simples de M. Jevons, celles qui sont à ses yeux le type de toutes les autres. Si nous éUminons des

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