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E. de hartmann. — un disciple de schopenhauer

conséquent obligés de remonter tous les deux à Leibniz qui l’admettait non-seulement dans les organismes inférieurs, mais encore dans les organismes supérieurs. En effet, bien qu’il ait posé en principe une monade centrale absolue (comme créatrice des autres), il possédait cependant assez d’abnégation philosophique pour reconnaître que l’action d’une monade sur une autre est une impossibilité et pour remplacer cette action par l’harmonie préétablie (celle-ci à son tour anéantit d’une autre façon l’indépendance de l’être et de l’agir rêvée par l’individualisme). Aussitôt que le système de Leibniz prend au sérieux le caractère absolu de la monade centrale, l’harmonie préétablie est transformée en une détermination logique durable de toute existence par sa racine centrale, et la création unique en arrangements perpétuels, c’est-à-dire les substances dérivées sont transformées en positions ou en actes de l’absolu, et la monadologie devient à son tour un monisme dans lequel les monades ou les individus ont à tous les degrés également peu de substantialité et d’indépendance.

La même chose arriverait à l’individualisme de Bahnsen, si son auteur ne se bornait pas à fermer tout simplement l’oreille aux avertissements des problèmes métaphysiques les plus urgents.

Bahnsen prétend contrairement à moi-même que le miracle de l’aséité ou de la primordialité de l’être n’a pas un caractère plus marqué de prodige, s’il se produit devant nous un nombre infini de fois que s’il se produit une fois seulement. Je ne puis absolument pas partager cette manière de voir. Ce qui est incroyable, inouï, imprévu, bref, l’invraisemblable, devient d’autant plus extravagant et fait éprouver à notre cerveau des vertiges d’autant plus forts qu’il se montre souvent à nos regards étonnés. Mais quoi qu’il en soit sur ce dernier point, il reste encore une partie de la question complètement intacte, si l’on rejette tout simplement une répétition à l’infini du miracle, je veux dire l’homogénéité de l’essence dans les nombreuses substances primordiales tout à fait indépendantes l’une de l’autre dans leur aséité éternelle. Bahnsen reconnaît expressément cette homogénéité de toutes les monades. Comme son pluralisme procède uniquement du fonctionnement du monisme de Schopenhauer, tous ces individus sont des fractions de la volonté Schopenhauerienne et il admet que cette homogénéité est la condition d’une relation vivante entre les individus, ainsi que de l’action réciproque exercée par l’un sur l’autre (quoique ce soit une erreur de sa part de regarder cette homogénéité comme une cause suffisante des individus).

Or, il n’y a que deux suppositions possibles : ou bien les monades