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E. de hartmann. — un disciple de schopenhauer

faveur du côté opposé à celui voulu par Bahnsen ; alors l’attribut de substantialité n’est plus disponible pour l’individu, c’est-à-dire l’individualisme est transformé en son contraire, le monisme.

Aussitôt que ce pas est franchi en principe, toutes les difficultés inhérentes à la théorie de l’individualisme disparaissent. Nous avons déjà remarqué plus haut que dans le monisme aussi les atomes doivent conserver leur durée constante pendant tout le processus universel ; c’est là seulement une application particulière du postulat logique qu’il est indispensable de poser comme base au but de l’intellect conscient et de l’organisation, la nature inorganique obéissant partout à des lois constantes. Sans continuité dans l’existence des atomes, il ne pourrait être question de la constance des lois de la nature ; dans le moment où un atome disparaîtrait et où un autre naîtrait quelque part, la constance des lois de la nature et la possibilité de calculs a priori relatifs à son mécanisme seraient anéanties. La situation est toute différente quant aux différents ordres et degrés des individualités organiques ; ce qui est constant en elles, ce sont seulement les individus inorganiques (atomes) dont elles sont formées ; mais elles-mêmes se présentent déjà au point de vue empirique comme quelque chose qui naît et qui passe. Il faut donc admettre que les fonctions psychiques dirigées par l’Être un et universel sur ces individus organiques ont, comme leur objet, un commencement et une fin dans le temps, que par conséquent les individualités psychiques, qui se présentent comme un amalgame composé de l’essence des atomes constituant leur organisme et des fonctions psychiques de l’Être un et universel, dirigées sur les différents groupes organiques des individualités de l’organisme total, sont elles-mêmes des phénomènes objectifs limités par le temps, existant dans l’intervalle entre la naissance et la dissolution de l’organisme, et auxquels on ne peut pas attribuer une durée continue d’après l’analogie des individus inorganiques primordiaux. Ce résultat découlant de considérations tirées de la philosophie de la nature sert à confirmer celui que nous avions obtenu, en critiquant la distinction entre le caractère intelligible et empirique, en dévoilant la fausseté de cette séparation et en reconnaissant que le caractère est conditionné par la constitution héréditaire et acquise de l’organisme et particulièrement du cerveau.

(A suivre).
E. de Hartmann.
Traduit par J. Gerschel.